Radioactivité I

La Structure de la Matière est un sujet tellement vaste et complexe que je ne pourrai que l’effleurer sommairement ici. Ceux qui voudraient approfondir trouveront, à la fin de la série, des adresses de sites Internet leur permettant d’aller un peu plus loin.

L’approche la meilleure me semble être, comme souvent, l’approche historique de l’acquisition des connaissances.

Dans cette acquisition des connaissances, la découverte, puis l’étude de la Radioactivité joua un rôle essentiel.

Radioactivité

Ce phénomène naturel, aussi vieux que l’Univers, n’a été découvert qu’en 1896 par le français Henri Becquerel (fils d’Edmond et petit-fils d’Antoine, tous deux physiciens de valeur).

L’année d’avant, nous l’avons vu, l’allemand Roentgen avait découvert les rayons X . Becquerel, qui étudiait notamment la phosphorescence, s’y intéressa, et il expérimentait aussi avec des sels d’Uranium. Il remarqua que ces sels impressionnaient des plaques photographiques à travers un emballage opaque. Ils émettaient donc un rayonnement ayant au moins une propriété commune avec les rayons X, et ils le faisaient spontanément, sans avoir besoin du " bombardement cathodique " des tubes de Crookes-Roentgen.

Becquerel et ses collaborateurs et successeurs se mirent à l’étude des " rayons uraniques ". On savait que les rayons X n’étaient déviées ni par les champs magnétiques, ni par les champs électriques. On soumit donc les " rayons uraniques " à la même expérience et le résultat fut complexe : sur la plaque photographique, on observa trois taches !

L’une correspondait au faisceau non dévié ; la seconde à un faisceau dévié, disons à droite ; la troisième à un faisceau dévié à gauche, cette déviation étant beaucoup plus forte que celle du deuxième faisceau. (bien entendu, les sens de déviation indiqués sont arbitraires et dépendent du sens du champ électrique ou magnétique appliqué).

Les lois de l’électrodynamique montrèrent que le faisceau peu dévié se comportait comme un flux d’électricité positive ; on lui donna le nom de " rayons alpha ". Le faisceau très dévié correspondait à un flux d’électricité négative ; on lui donna le nom de " rayons bêta ". Quant au faisceau non dévié, on l’appela :  " rayons gamma ". Telle est l’origine du nom donné à ces photons de haute énergie dont nous avons parlé dans le précédent article.

Mais au moment de leur découverte, on ne parle pas de photons (le mot sera créé par Einstein en 1905) : on constate seulement que les rayons gamma sont des sortes de " super rayons X ", plus pénétrants que ces derniers.

La théorie de l’électron s’impose à cette époque et l’on ne tarde pas à identifier les rayons bêta à des électrons très rapides.

Pour la nature exacte des rayons alpha, il faudra attendre encore un peu…..

Une étudiante polonaise, Marie Slodowska, montre que le Thorium a des propriétés radioactives très semblables à celles de l’Uranium.

Elle épouse le professeur Pierre Curie. Le couple découvre en 1898 un élément beaucoup plus radioactif que l’Uranium ou le Thorium. En l’honneur de la patrie d’origine de Marie, ils le baptisent Polonium.

Etudiant des sels d’Uranium provenant d’un minerai autrichien, la pechblende, ils constatent une radioactivité supérieure à celle d’autres sels d’Uranium et font l’hypothèse que ce supplément d’activité provient de faibles quantités d’un élément fortement radioactif, qu’ils baptisent Radium et se mettent en devoir d’isoler. Mais la tâche est rude, car les concentrations en Radium dans le minerai sont très faibles.

Ils établissent que c’est un métal alcalino-terreux, qui accompagne le Baryum dans ses réactions chimiques. Faute d’une réaction chimique spécifique permettant de l’isoler, force est de recourir à une méthode physique d’enrichissement progressif : la cristallisation fractionnée, lente et fastidieuse. Il en faudrait plus pour décourager les Curie ! Marie avait émis un souhait bien féminin : " Je voudrais qu’il ait une jolie couleur ". Et voici qu’à partir d’un certain enrichissement en Radium, les cristaux sont lumineux dans l’obscurité….

Finalement les Curie pourront caractériser le Radium comme un élément nouveau et déterminer son poids atomique.

Le Prix Nobel de Physique de 1903 attribué conjointement à Henri Becquerel et au couple Curie couronne les avancées scientifiques dans ce nouveau domaine..

( Dessin d'Isabelle, 51 ko)

Le Prix Nobel de Chimie est attribué à Marie en 1911, pour le procédé d’extraction du Radium (Pierre était mort accidentellement en 1906).

On peut se poser une question : pourquoi la découverte du Radium a-t-elle eu un tel impact dans le monde scientifique (et peu après dans le grand public) alors que celle d’un autre élément radioactif, le Polonium, avait fait beaucoup moins de remous ? J’y vois deux raisons : d’abord, le Polonium, se transformant en Plomb stable, présente une radioactivité exclusivement alpha, rayonnement peu pénétrant ; ensuite la période ou demi-vie du Polonium est assez courte : 138 jours.

Ceci m’oblige à exposer dès maintenant cette notion.

 

Période d’un élément radioactif

 

Les atomes radioactifs changent de nature par cette activité : ainsi un atome de Polonium émettant une particule alpha devient un atome de Plomb. Le nombre d’atomes de Polonium présents dans un échantillon va donc diminuer au cours du temps. On désigne par période ou demi-vie le temps nécessaire à la disparition de la moitié de la quantité initiale. Donc, au bout d’une période, il restera la moitié de la quantité initiale, au bout de 2 périodes le quart, au bout de 3 périodes le huitième, etc… Ces périodes sont extrêmement variables selon les atomes radioactifs (de la microseconde aux milliards d’années).

En supposant que l’on ait trouvé au Polonium une application autre que la recherche scientifique, elle aurait été handicapée par la courte demi-vie de l’élément.

Le Radium, grâce à ses produits de désintégration, eux-mêmes radioactifs, émet les trois types de radiations et sa demi-vie est de 1600 ans.

On lui trouva très vite des applications, dont la principale fut le traitement de certaines tumeurs, dans les quelles on implantait des aiguilles contenant de faibles quantités de Radium.

On s’en servit aussi pour rendre lumineux la nuit les chiffres et les aiguilles des montres et des réveils.

Cette application fut cause d’un drame qui attira l’attention sur les dangers potentiels de la radioactivité. Des ouvrières d’un atelier américain furent atteintes de cancers de la mâchoire. On découvrit que les malheureuses, pour effiler le pinceau avec lequel elles peignaient les aiguilles et les chiffres, le portaient à leurs lèvres.

Marie Curie eut beaucoup de mal à admettre que le Radium, " son " Radium, qui guérissait certains cancers, puisse en engendrer d’autres.

En dépit de ces dangers potentiels, la radioactivité avait plutôt bonne presse avant Hiroshima. Dans les années 30, une publicité sur les murs de Paris vantait les bienfaits de la crème de beauté " Tho-Radia, aux sels de Thorium et de Radium ". Vu le prix du Radium, il est sûr qu’il n’y en avait pas beaucoup, heureusement ! A la même époque, on expliquait la meilleure efficacité des eaux minérales prises au griffon de la source par la radioactivité du Radon (nous en reparlerons) qu’elles contenaient et on avait créé le service " Vichy rapide " pour acheminer dans la capitale l’eau de Vichy en quelques heures. Tout a bien changé….

Après ces considérations " grand public ", revenons au cheminement de la science.

L’Atome de Bohr

On commençait à avoir une idée de la structure de la matière. Rutherford avait introduit la notion de noyau atomique et, en 1913, Niels Bohr avait proposé un modèle d’atome : une sorte de système solaire, avec au centre un noyau concentrant la quasi-totalité de la masse, chargé positivement, entouré d’électrons négatifs, en nombre compensant exactement la charge positive du noyau, gravitant sur des orbites déterminées sur lesquelles ils ne rayonnaient aucune énergie ; l’émission ou l’absorption d’un quantum d’énergie n’ayant lieu qu’au moment d’un changement d’orbite.

La nature chimique de l’élément est déterminée par son cortège électronique et donc par le nombre de charges positives unitaires (égales à celle de l’électron, mais de signe opposé) que porte le noyau. Les diverses réactions chimiques sont des interactions entre électrons périphériques des atomes. Le nombre d’électrons de la couche la plus externe détermine la valence de l’élément.

Bien entendu, tout ceci n’est pas apparu d’un coup après la publication du modèle de Bohr.

Ainsi se trouvait expliquée et justifiée la Classification périodique des Eléments établie par le russe Mendéléiev Complétée et affinée à la lumière des découvertes ultérieures, cette classification réunit en un tableau, groupés en familles cohérentes, tous les éléments qui composent notre Univers (plus quelques autres créés par l’homme). Une version récente de ce document fondamental est reproduite page suivante.

(Merci au site http://www.cig.ensmp.fr/~hhgg/phch/tabperel.htm sur lequel ce tableau a été copié )

J’ai complété ce tableau par une liste de tous les éléments, par ordre de numéro atomique, reprenant leur symbole et donnant leur nom et leur masse atomique, leur(s) valence(s) chimique(s),leur état (solide, liquide ou gazeux) dans les conditions normales de température et de pression, leur densité (en grammes par centimètre cube pour les solides et les liquides, en grammes par litre pour les gaz) et la famille à laquelle ils appartiennent. Cela donne plus de renseignements, mais le tableau reste essentiel, les colonnes montrant les groupements périodiques en familles et les transmutations par radioactivité alpha et bêta se visualisant aisément.

Ces tableaux devant rester proches et représentant un " poids " important au point de vue informatique, je suis contraint de leur consacrer un article à part.

Leur chargement étant assez long, je prévois la possibilité de passer directement à la suite du texte, mais que cela ne détourne pas de l'examen de ces tableaux qui sont l'image de toute la matière de l'Univers.

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