Les Rayonnements électromagnétiques ionisants

(Rayons X , Rayons Gamma)

Ces rayonnements sont dits " ionisants " parce que leurs photons ont assez d’énergie pour ioniser les milieux qu’ils traversent, c’est à dire pour arracher des électrons au cortège électronique des atomes rencontrés.

J’ai précisé " électromagnétiques " parce qu’il existe d’autres radiations ionisantes (rayons Alpha et Bêta, rayons cosmiques) qui ne sont pas à proprement parler des rayonnements, mais des émissions de particules ayant une masse ; alors que dans le cas des rayons X et Gamma il s’agit d’ondes et de photons sans masse, comme dans le cas de la lumière.

Les Rayons X

Un peu d’histoire

Nous avons signalé, dans l’article " Courant électrique, électrons, etc.. " les expériences de William Crookes, vers 1875 : dans ses tubes à vide poussé (pour l’époque), le tube soumis à une haute tension restait obscur, mais on observait une fluorescence du verre à l’opposé de la cathode. Nous savons maintenant que les rayons cathodiques de Crookes sont des électrons arrachés à la cathode par bombardement d’ions positifs et accélérés par la haute tension.

En 1895, le physicien allemand William Konrad Roentgen, expérimentant avec des tubes de Crookes, constata que certains corps, approchés de l’extrémité du tube où les rayons cathodiques frappaient le verre, devenaient lumineux par fluorescence. Pour éliminer l’influence possible de la lumière émise par le verre de l’ampoule, il intercala un écran opaque : la fluorescence persista. Il eut l’idée d’exposer à ce rayonnement inconnu des plaques photographiques enveloppées dans du papier noir : elles furent impressionnées. Il remarqua que, si les matériaux légers n’arrêtaient guère ce rayonnement, des écrans plus denses l’atténuaient et que des feuilles de plomb suffisamment épaisses l’arrêtaient. La petite histoire dit qu’il demanda à son épouse de poser sa main sur une plaque photographique enveloppée de papier noir pendant qu’il faisait fonctionner le tube : la première radiographie médicale fut donc celle de la main de Madame Roentgen.

( Dessin de Barbara, 38 ko)

A l’aide d’écrans de plomb percés de trous, il put délimiter des faisceaux de ce rayonnement inconnu et étudier ses propriétés.

Il constata que ces Rayons X, ainsi qu’il les baptisa, n’étaient déviés, ni par les champs électriques, ni par les champs magnétiques. Il lui fut impossible, également, d’observer des réflexions ou des réfractions de ces rayons, se propageant en ligne droite sans que rien ne les en détourne ; on pouvait seulement les absorber plus ou moins.

L’image (ou plutôt l’ombre) de la main de Madame Roentgen, où les os étaient bien visibles, donna rapidement l’idée d’utiliser ce nouveau rayonnement aux fins de diagnostic médical.

Comme on ne peut pas le focaliser, ils ne peut donner que des ombres, et pour que les ombres soient nettes il faut que la source " lumineuse " soit la plus petite possible.

On construisit donc des Tubes à Rayons X : une cathode concave concentrait les rayons cathodiques en une petite tache sur une anticathode taillée en biseau, en métal réfractaire (tungstène) capable de ne pas fondre localement. Pourquoi cette " anticathode " distincte de l’anode, bien que presque toujours reliée à elle ? sans doute une survivance des tubes de Crookes, dont ils étaient directement issus.

Pour fonctionner, ces tubes, demandaient que la très faible pression résiduelle reste entre certaines limites, pour que les ions positifs arrachant les électrons du métal de la cathode soient suffisamment nombreux, mais pas trop pour ne créer que peu de collisions avec les électrons accélérés par la haute tension vers l’anticathode, où leur impact produisait les rayons X. Or le fonctionnement du tube avait tendance à faire baisser la pression. Pour les tubes utilisés de manière intensive, il fallait donc réguler la pression par différents moyens qu’il serait trop long de détailler.

On remarqua vite que plus la tension appliquée au tube était élevée, plus les rayons étaient pénétrants.

Ces tubes " Roentgen " permirent l’essor de la radioscopie et de la radiographie médicales. Pendant la guerre " de 14 ", Marie Curie créa des unités mobiles de radiologie pour aider les chirurgiens à opérer les blessés.

L’apparition des " lampes de TSF " montra qu’un filament chauffé était une source d’électrons. On pensa donc à appliquer ce principe aux tubes à rayons X .

Ainsi naquirent les tubes Coolidge, qui apportèrent un progrès considérable.

D’abord, plus besoin de se préoccuper d’une pression résiduelle bien dosée ; il fallait au contraire que le vide soit le plus profond possible, et on commençait à savoir le faire. Ensuite, on disposait de deux réglages indépendants : en réglant la haute tension, on agissait sur le pouvoir pénétrant des rayons et en réglant le chauffage du filament, on agissait sur l’intensité du faisceau. En d’autres termes, on agissait séparément sur l’énergie moyenne individuelle des photons X et sur leur nombre.

Jusque là, la source de haute tension était toujours une bobine de Ruhmkorff, alimentée par des accumulateurs ou le secteur continu par l’intermédiaire d’un rupteur plus ou moins élaboré (par exemple turbine à mercure en atmosphère non oxydante). La bobine d’induction délivre la haute tension sous forme d’impulsions brèves, si bien que le tube ne travaille qu’une faible partie du temps.

La généralisation du secteur à courant alternatif permit, à l’aide de transformateurs et de tubes redresseurs (kénotrons) d’alimenter les tubes à rayons X en haute tension redressée : du coup le tube travaillait pendant une fraction beaucoup plus importante du temps et la puissance du faisceau en fut très sensiblement accrue… mais aussi la dissipation d’énergie transformée en chaleur dans le tube. Certains tubes furent équipés d’anodes à refroidissement par eau.

Actuellement, la solution la plus courante, pour les tubes à partir d’une certaine puissance, est l’anode tournante : un disque épais, en tungstène, tournant rapidement, entraîné par un moteur à champ tournant dont le rotor est dans le tube et dont le stator est à l’extérieur du tube. Pour ces tubes, les ampoules de verre sont souvent remplacées par des enveloppes métalliques avec des passages isolants en verre ou en céramique.

Le principal (et pendant longtemps le seul) usage des rayons X est l’aide au diagnostic médical, soit en radioscopie, soit en radiographie.

Dans les deux cas, pour une bonne efficacité, il faut que l’écran fluorescent ou la surface sensible photographique soient suffisamment absorbants. Or l’absorption des rayons X est d’autant plus forte qu’il y a plus d’atomes et que leur nombre atomique est plus grand. C’est pourquoi les émulsions radiographiques sont plus épaisses et plus riches en sels d’argent que les photographiques et les écrans fluorescents font appel à des composés de métaux lourds : platino-cyanure de baryum, tungstate de cadmium. On double d’ailleurs presque toujours la pellicule photographique d’un écran renforçateur fluorescent qui convertira en lumière une partie des photons X non absorbés par l’émulsion.

De nos jours, on dispose d’amplificateurs de brillance permettant de diminuer les doses de rayons reçues au cours d’un examen. Perfectionnement très important, car les rayons X ne sont pas sans danger. Les premiers radiologues ne se méfiaient pas et tenaient quelquefois l’ampoule à pleines mains, ce qu’ils ont payé de radiodermites conduisant parfois à des amputations successives. Cela a mis en évidence l’action des rayons X sur les cellules vivantes. Nous y reviendrons.

Origines des Rayons X

J’ai mis " origines " au pluriel, car ils sont engendrés par divers processus.

Les tubes à rayons X , sans précautions particulières, fournissent un rayonnement assez complexe, superposition d’un fond continu et d’un spectre de raies.

Les électrons, accélérés par la haute tension pouvant atteindre plusieurs centaines de kilovolts, arrivent sur l’anode et subissent une décélération considérable, au cours de laquelle ils rayonnent une partie de leur énergie sous forme de rayons X " de freinage " ; c’est ce rayonnement qui est responsable du fond continu. Ils pénètrent profondément dans les couches électroniques des atomes de l’anode et excitent les électrons des couches les plus proches du noyau. En retournant à leur état stable, ces électrons émettent des photons X, distribués en " raies " distinctes et caractéristiques du métal de l’anode, exactement comme les électrons périphériques émettent des photons " optiques ".

Mais les énergies ne sont pas les mêmes : les électrons internes sont bien plus fortement liés au noyau, il a fallu beaucoup d’énergie pour les déranger et les photons qu’ils émettent sont de 100 à 100 000 fois plus énergétiques. Les longueurs d’onde associées sont donc  très petites.

Il y a émission de rayons X toutes les fois que des électrons subissent des accélérations suffisamment fortes ; C’est ainsi que les électrons qui tournent à des vitesses proches de celle de la lumière sur les grands synchrotrons de recherche sont, pour décrire des orbites circulaires, soumis à des accélérations centripètes considérables, d’où un rayonnement X ,dit rayonnement synchrotron que l’on a de plus en plus tendance à utiliser comme source de rayons X bien définis. Mais pas pour l’usage courant !

Comme tous les autres rayonnements électromagnétiques, les rayons X n’ont pas attendu qu’on les découvre pour exister. Toutes les fois qu’un phénomène met en jeu des énergies suffisamment élevées, il y a émission de rayons X . La fusion nucléaire qui fait briller les étoiles est accompagnée d’émission de rayons X .

Notre modeste Soleil en émet, bien sûr, mais comme il n’est pas très chaud (son cœur ne dépasse pas 20 millions de degrés Kelvin), les rayons X ne représentent qu’une très faible partie de l’énergie rayonnée. Par contre, on a décelé dans l’Univers des sources intenses de rayons X , correspondant à des phénomènes d’une énergie considérable.

" Optique " des Rayons X 

La phrase précédente pose un problème : comment a-t-on pu localiser des sources dans l’Univers, alors qu’on ne peut construire ni lentille, ni miroir concave focalisant les rayons X ?

Je ne puis vous répondre clairement. Je crois qu’on exploite le fait que les rayons X se réfléchissent quand même sur une surface métallique, mais seulement sous incidence rasante. L’absence de réflexion tient au fait que les distances entre atomes sont trop grandes par rapport aux longueurs d’onde X . Sous incidence rasante, les atomes semblent former une surface continue, comme la grille d’un parc peut donner l’impression d’un mur si on la regarde presque dans son plan. Mais comment exploite-t-on cette maigre constatation pour faire ces télescopes X que l’on embarque sur des satellites pour explorer l’Univers dans ce domaine de radiations. Il faudrait consulter un spécialiste…

Le rapport entre les longueurs d’onde X et les distances entre atomes a reçu une application pratique : la cristallographie par diffraction de rayons X .

A propos des rayonnements optiques, j’ai mentionné très sommairement les réseaux de diffraction : ensembles de traits parallèles très serrés (50 à 200 par millimètre) tracés sur une surface transparente ou réfléchissante. De tels réseaux réfléchissent ou transmettent une radiation monochromatique suivant certaines directions privilégiées. Si la radiation est composite (lumière blanche), les différentes composantes sont réfléchies ou transmises selon des angles différents et il y a dispersion : d’où les belles couleurs observées sur les CD, dont les sillons sont assez serrés pour constituer un rudimentaire réseau de diffraction optique.

Les réseaux tracés de main d’homme ont leurs traits trop espacés pour diffracter les rayon X, mais la disposition régulière des atomes dans un cristal peut fournir un réseau adapté aux rayons X.

On utilise pour cette application des tubes de faible puissance, étudiés pour donner une raie aussi pure que possible ; le faisceau est envoyé sur le cristal ou sur une poudre de petits cristaux, suivant la technique choisie. Sur une pellicule photographique, on observe des taches discrètes, dont la position renseigne sur l’arrangement des atomes dans le cristal.

Effets sur les êtres vivants

Ces effets sont communs à tous les rayonnements ionisants, électromagnétiques ou autres. Les rayons UV, bien qu’  " optiques ", produisent, dans une moindre mesure, des effets analogues.

Ayant assez d’énergie pour arracher un ou plusieurs électrons aux atomes rencontrés, tous ces rayonnements perturbent le fonctionnement des cellules vivantes.

Trois cas se présentent :

Si le dommage est léger, la cellule se répare et reprend son fonctionnement normal.

Si le dommage est très grave, la cellule meurt et est éliminée.

Le cas le plus ennuyeux est celui où la cellule se répare " de travers " : suivant les cas, il peut y avoir modification du patrimoine génétique ou création d’une cellule anarchique, refusant de mourir en temps prévu et proliférant en cellules filles tout aussi anarchiques qu’elle. D’où la prudence, maintenant, dans les examens aux rayons X , l’utilisation d’amplificateurs de brillance et le recours de plus en plus large à d’autres examens : échographie, IRM.

Toute médaille ayant deux faces, on utilise aussi les rayons X et les autres rayonnements ionisants (sauf les rayons cosmiques) dans des buts thérapeutiques, en utilisant le fait que les cellules anormales, malignes, sont plus sensibles à ces rayonnements que les cellules normales.

Les Rayons Gamma

Nous avons vu que les rayonnements optiques étaient émis par les électrons des couches externes des atomes et que les rayons X provenaient de l’excitation des électrons des couches internes.

Pour monter encore en fréquence, et donc en énergie individuelle des photons, il faut aller plus profondément dans l’atome : dans le noyau lui-même, là ou l’énergie est la plus concentrée.

Les rayons gamma ont été constates lorsqu’on a découvert la radioactivité . Tout comme les rayons X, ils ne sont déviés, ni par les champs électriques, ni par les champs magnétiques. Ils ne subissent ni réflexion, ni réfraction. Ils traversent la matière plus aisément que les rayons X et il faut une bonne épaisseur de plomb pour les arrêter.

Pendant longtemps, la désintégration spontanée d’atomes radioactifs a été, sur notre planète, la seule source de rayons gamma, les plus hautes tensions que l’on sait produire ne pouvant accélérer suffisamment des électrons.

Les grands accélérateurs, circulaires ou linéaires, permettent maintenant d’atteindre des énergies suffisantes, mais les rayons gamma engendrés lors des collisions sont un sous-produit et l’on n’utilise pas ces immenses appareils comme source pratique de rayons gamma.

Usages des Rayons Gamma

Les rayons Gamma sont utilisés en imagerie industrielle, pour la vérification des soudures, la recherche des failles, etc…

En médecine, ils sont utilisés dans un but thérapeutique, pour irradier certaines tumeurs.

Dans un cas comme dans l’autre, la source utilisée est une " bombe " : récipient muni d’une épaisse cuirasse de plomb, percée d’un petit orifice par où sort le rayonnement d’un isotope radioactif approprié.

Les Rayons Gamma dans l’Univers

Nous avons vu que notre Soleil n’est pas assez chaud pour émettre beaucoup de rayons X ; à plus forte raison son rayonnement gamma est-il faible, bien qu’en son cœur l’énergie de fusion de l’Hydrogène en Hélium soit émise essentiellement sous cette forme, mais elle est dégradée par les innombrables absorptions et ré-émissions successives au cours de sa traversée de l’épaisseur de l’astre.

Mais il existe dans l’Univers des phénomènes mettant en jeu des énergies beaucoup plus grandes, signalés par de notables émissions gamma.

La réalisation d’un télescope Gamma est encore plus difficile que celle d’un télescope X ; on ne peut même pas compter sur une réflexion en incidence rasante. Seule technique utilisable : le masque à trous codés. Des plaques opaques percées de trous disposés suivant une certaine loi permettent, après traitement mathématique, de repérer la direction d’où arrivent les rayons gamma. La précision est très inférieure à celle des télescopes optiques, mais on a pu déceler dans l’Univers de puissantes sources gamma, indices d’activités de très haute énergie.

On a même observé des sursauts Gamma, flashes de brève durée ( quelques secondes à quelques jours ), mais rayonnant pendant ce temps, pour les plus forts, autant d’énergie que le Soleil en 8000 milliards d’années ! L’élucidation de leur origine est un des challenges de l’astronomie contemporaine.

 

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