Fonctions exponentielles. Les puissances de 2

Ce sujet devrait intéresser particulièrement les informaticiens, car les ordinateurs travaillent en logique et en numération binaire.

On qualifie d’exponentielle une fonction où la variable figure en exposant, par exemple y = a puissance x, que nous écrirons : y = a^x où a et x peuvent être entiers ou non.

La fonction exponentielle type est la fonction e^x, où e est la limite de (1+1/n)^n quand n tend vers l'infini. C'est un nombre irrationnel et transcendant ( comme pi ) dont les premières décimales sont 2,71828...

La fonction e^x est sa propre dérivée et se retrouve souvent dans les formules régissant les phénomènes physiques.

Mais revenons au cas général a^x et cantonnons-nous au cas où a et x sont tous deux entiers, et même au cas où a est le plus petit entier qu’il soit intéressant d’élever à une puissance, c’est à dire où a = 2 . En effet, le plus petit entier dans l’absolu, c’est à dire 1 , reste inchangé quelle que soit la puissance à laquelle on l’élève.

Voyons donc les premières puissances entières de 2.

         2^0 = 1 (il en est ainsi pour n’importe quel nombre ; c’est le fondement des logarithmes)
         2^1 = 2
         2^2 = 4
         2^3 = 8
         2^4 = 16
         2^5 = 32
         2^6 = 64 etc…

Intéressons-nous à quelques valeurs particulières :

         2^8 = 256 Un octet (" mot " informatique de 8 " bits " ) peut prendre 256 valeurs différentes : compter de 0 à 255 ou représenter 256 caractères alphanumériques différents.

         2^10 = 1024, valeur légèrement supérieure à 10^3 et comptée comme Kilo en informatique.

         2^16 (2 octets) = 65 536

         2^24 (3 octets) = 16 777 216

         2^32 (4 octets) = 4 294 967 296

Par exemple, selon que l’on consacre à la définition des couleurs de chaque point d’une image un, deux ou trois octets, l’image disposera d’une palette de 256 couleurs ou de 65536 couleurs ou de " millions de couleurs ".

Nous n’avons considéré que le plus petit entier " exponentiable "(?) et pour des exposants modestes nous avons déjà obtenu des nombres considérables ; en allant un peu plus loin, on obtient des nombres gigantesques.

 

Deux exemples, plutôt ludiques, nous sont fournis par des légendes orientales.

 

L’inventeur du jeu d’Echecs, jeu qui avait ravi le Sultan, demanda comme seule récompense un peu de blé pour nourrir ses pigeons bleus : un grain sur la première case de l’échiquier, 2 grains sur la deuxième, 4 grains sur la troisième, et ainsi de suite en doublant à chaque fois. Demande d’apparence modeste et facilement accordée.

( Dessin de Florence,48 ko)

Mais il apparut assez vite que les greniers du sultanat seraient vides avant d'avoir satisfait la " modeste " demande.

Un calcul simple montre en effet que le nombre total de grains sur l’échiquier, lorsqu’on est sur la case n incluse est égal à (2 puissance n) –1. Les parenthèses sont en toute rigueur inutiles, mais elles précisent bien qu’il ne s’agit pas de n –1.

Le nombre de grains à disposer sur une case est égal à la somme des grains disposés sur toutes les cases précédentes, plus un.

Il est aisé de vérifier cette relation sur les premières cases.

Donc, à la cinquième case nous avons 31 grains sur l’échiquier, à la dixième 1023 grains, à la vingtième 1.048.575, etc…

Pour estimer le nombre de grains sur l’échiquier complet, qui comporte 64 cases, nous allons faire une approximation, car les nombres deviennent trop grands pour ma calculette ; nous prendrons : 2^10 = 1000, au lieu de 1024. Nous admettrons donc 2^10 = 10^3 ; cette approximation nous conduira à un résultat inférieur au nombre exact, mais nous donnera une idée de celui-ci.

         2^64 = 2^60 x 2^4 = 16 x 2^60

Avec notre approximation, nous admettrons : 2^60 = 10^18.

Le nombre de grains à mettre sur l’échiquier est donc supérieur à

16 x 10^18, soit 16 milliards de milliards.

Comme il n’est pas courant de compter les grains un par un, j’ai voulu me rendre compte de ce à quoi correspondait ce nombre en mesures plus habituelles.

Je me suis donc procuré du blé, j’en ai compté 500 grains que j’ai pesés et j’ai trouvé que le poids moyen du grain de blé –tout au moins dans mon échantillon– était de 43 milligrammes ; disons 40 mg pour simplifier.

Donc mille grains pèsent 40 g, un million 40 kg, un milliard 40 tonnes.

La masse de grains à mettre sur l’échiquier est donc supérieure à 640 milliards de tonnes.

Je n’ai pas pu trouver la production mondiale de blé, mais, sur quid.fr, j’ai trouvé que la production annuelle mondiale de céréales était de l’ordre de 2 milliards de tonnes. En consacrant toute la culture au blé, il faudrait quand même plus de 300 ans pour satisfaire la " modeste récompense " demandée.

L’histoire ne dit pas si le sultan fut reconnaissant à l’inventeur de lui avoir révélé la rapidité de croissance de la fonction exponentielle, ou s’il estima que l’impertinent s’était moqué de lui et lui fit couper le cou.

 

Une autre légende orientale va nous conduire à la même formule par des voies très différentes.

Dans un monastère secret, de mystérieux moines

( Dessin d’Isabelle, 54 ko)

sont chargés de faire écouler le temps en manipulant des disques d’or ; il y a 64 disques (nous retrouvons ce nombre mythique), tous de diamètre différents et percés d’un trou au centre.

Devant les moines, trois aiguilles de diamant .

A l’origine du temps, les 64 disques sont enfilés sur l’aiguille de gauche, en tailles décroissantes, le plus grand naturellement à la base de la " tour ".

La tâche des moines est de transférer cette tour, dans le même ordre d’empilement, bien sûr, sur l’aiguille de droite, en respectant impérativement les règles suivantes : :

- Ne déplacer qu’un seul disque à la fois.

- Un disque ne peut être posé que sur un disque plus grand.

- Les disques doivent obligatoirement être enfilés sur les aiguilles ; interdiction absolue de les poser ailleurs.

Lorsque les moines auront achevé leur tâche, ce sera la fin du Temps et de l’Univers.

Un calcul, moins simple que celui de l’échiquier, montre que le transfert d’une tour de n disques demande (2 puissance n) – 1 mouvements. C’est la même expression que pour les grains de blé . il est facile de la vérifier sur des " tours " de très peu de disques : il faut 3 mouvements pour 2 disques, il en faut 7 pour 3 disques et déjà 63 pour 6 disques.

Avec les mêmes approximations que précédemment, nous trouvons que le transfert de la tour de 64 disques demandera plus de
16 x 10^18 mouvements.

Les moines ne peuvent effectuer plus d’un " mouvement " par seconde, crainte de laisser tomber un disque ou de briser une aiguille de diamant.

Nous avons vu plus haut qu’une année comporte 31.557.600 secondes.
Pour la commodité du calcul, arrondissons ce nombre à 32 millions.

Le transfert de la tour de 64 disques demandera donc plus de :

         16 x 10^18 divisé par 32 x 10^6 = 0,5 x 10^12 ans.

Soit plus de 500 milliards d’années.

Comme l’âge actuel de l’univers est sans doute inférieur à 20 milliards d’années, il lui reste au moins 480 milliards d’années devant lui.

A moins qu’une maladresse d’un des moines….

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