Mot courant, en plein dans les préoccupations individuelles et planétaires, mais pas si facile à définir. Consultons le Petit Larousse, édition 1998 :
(Les trois premiers paragraphes sont consacrés aux sens moraux et figurés)
" Physique
Grandeur caractérisant un système et exprimant sa capacité à modifier létat dautres systèmes avec les quels il entre en interaction. Unité S.I. (standard international) : le Joule.
Chacun des modes que peut présenter un tel système : énergie mécanique, électrique, magnétique, chimique, thermique, nucléaire
Sources dénergie : ensemble des matières premières et des phénomènes naturels utilisés pour la production dénergie (charbon, hydrocarbures, uranium, cours deau, marées, vent, etc ). "
Laissons de côté pour le moment ce dernier paragraphe, trop restreint à la production utilitaire de lénergie et que jai inclus ici pour que ma citation soit complète.
La définition générale de lénergie indique bien que tout phénomène, quel quil soit, quil concerne une particule élémentaire ou un amas de galaxies, est luvre dune ou plusieurs énergies.
Commençons par quelques précisions. Lunité dénergie étant le joule, cest que lénergie, quelle quelle soit, est, au sens physique, un travail.
Le joule est le travail accompli par une force de 1 newton déplaçant son point dapplication de 1 mètre dans sa propre direction. Cest, en gros, un dixième de kilogrammètre, unité peut-être plus familière.
Ne pas confondre travail et puissance ; celle-ci est le travail fourni ou absorbé par unité de temps. Au joule correspond le watt (un joule par seconde).
Bien entendu, en multipliant la puissance par un temps on retrouve un travail : le kilowatt est une unité de puissance, mais le kilowatt-heure, unité employée par EdF pour nous facturer lénergie électrique que nous consommons, est une unité de travail qui vaut 3.600.000 joules.
Le premier principe de la thermodynamique énonce que lénergie se conserve ; nous savons depuis Einstein que cest lensemble masse et énergie qui se conserve. Les réactions nucléaires de fission et de fusion permettent de transformer un peu de masse en énergie. En dehors de ce cas, on peut considérer que la masse et lénergie se conservent toutes deux.
Ce qui veut dire que si une énergie se transforme en une ou plusieurs autres, la somme des énergies résultantes sera égale à lénergie initiale.
Mais cela ne signifie pas que
la transformation soit possible dans les deux sens avec le même
rendement : si lénergie mécanique et
lénergie électrique sont convertibles en chaleur
(1 calorie pour 4,18 joules) avec un rendement de 100% (Les publicités vantant
le "rendement exceptionnellement élevé"
de tel radiateur électrique sont dénuées
de tout fondement, le rendement de n'importe quel radiateur électrique
étant toujours de 100% ; mais la maniére dont il
distribue la chaleur peut être fort différente), lénergie thermique ne
peut être entièrement convertie en énergie
mécanique ou électrique.
Le rendement maximal de la transformation a été
calculé par Carnot (" Mémoire sur la puissance
motrice du feu ") qui a montré quil était
dautant meilleur (ou plutôt moins mauvais) que la
différence de température entre la source chaude
et la source froide est plus élevée. Deux sources
à température différentes sont en effet nécessaires
pour cette transformation : cest au cours de son " écoulement "
de la source chaude vers la source froide quune partie de
la chaleur mise en jeu peut être convertie en travail. A
noter que la source froide peut ne pas être explicite :
pour une locomotive à vapeur ou pour un moteur de voiture,
cest simplement le milieu ambiant.
Bien entendu, le premier principe est respecté, mais seule une fraction de la chaleur sera convertie.
Cette différence notable entre les énergies " nobles ", totalement convertibles, et la chaleur tient à la nature de cette énergie thermique, qui est une agitation désordonnée des molécules.
La chaleur apparaît aussi dans les transformations des autres énergies entre elles : un moteur électrique, par exemple, ne restitue pas sur son arbre léquivalent mécanique exact de lénergie électrique consommée, la résistance électrique des bobinages et les inévitables frottements en convertissent une partie en chaleur
Un système évolue toujours, en labsence dun apport extérieur d énergie, vers un état où son énergie propre sera minimale.
Par exemple, les poids dune horloge descendent parce quainsi lénergie gravitationnelle du système poids-Terre diminue ; la différence dénergie entre la position haute et la position basse est convertie au cours de la descente en énergie mécanique qui fait tourner les rouages et les aiguilles et entretient loscillation du pendule ; mais comme tout sarrête une fois les poids descendus, finalement la différence dénergie aura été transformée en chaleur par les divers frottements.
Un réservoir deau se vide si lon ouvre la vanne, parce que la masse de liquide a tendance à se rapprocher du centre de la Terre pour diminuer lénergie du système. Là encore, la différence dénergie se retrouve en chaleur, à moins quon en ait prélevé au passage une partie sous forme dénergie mécanique (moulins, turbines).
Il en va de même en Chimie : les réactions spontanées, ou qui ne demandent quune chiquenaude pour se produire, sont celles qui conduisent à un système dune énergie moindre que celle du système initial, la différence dénergie se transformant en chaleur au cours de la réaction. Le système final est dautant plus stable que sa différence dénergie avec le système initial est plus grande.
Ces réactions peuvent être des combinaisons, si le corps produit représente moins dénergie que le système de corps qui lui a donné naissance. Par exemple, lhydrogène se combine volontiers à loxygène pour former de leau ; la réaction dégage beaucoup de chaleur et leau est un composé très stable.
Inversement, si un composé a absorbé de lénergie lors de sa formation, il représente plus dénergie que le système lui ayant donné naissance et il sera instable, au moins potentiellement, les " frottements chimiques " pouvant lui conférer une apparente stabilité. Mais ces corps peuvent, en se décomposant, restituer lénergie absorbée lors de leur formation. Exemple récent et douloureux : le nitrate dammonium de lusine AZF de Toulouse.
Lénergie rayonnée par les étoiles
Lénergie que la Terre reçoit du Soleil a tellement dimportance pour nous (car elle conditionne lexistence de la vie) que je pense indispensable de parler un peu de lorigine de cette énergie. Pour cela, il faut dabord voir comment se forme une étoile.
Lélément primitif est lHydrogène, dont il existe dimmenses nuages dans lUnivers. Lorsquun de ces nuages seffondre sur lui-même, sous leffet de la gravitation, il séchauffe par compression. Quand la température atteint 10 à 15 millions de degrés, des réactions de fusion nucléaire samorcent et libèrent de lénergie. La pression de radiation de cette énergie soppose alors à la contraction gravitationnelle et il en résulte un état de pseudo-équilibre qui peut durer des milliards dannées au cours duquel létoile transforme son hydrogène en hélium, sans varier beaucoup de taille ni déclat. Cest, heureusement pour nous, le cas de notre Soleil. Des étoiles beaucoup plus massives ont une vie plus brève et finissent par exploser en projetant dans lespace des éléments plus lourds que lhélium. Ces éléments ont enrichi le système solaire, permis la formation des planètes telluriques et ajouté au Soleil, entre autres, un peu de carbone et dazote. Je mentionne ces éléments parce quils jouent un rôle dans certaines réactions de fusion.
La fusion de lhydrogène en hélium se fait par plusieurs mécanismes dont le plus simple est la réaction proton-proton qui ne fait intervenir que lhydrogène sous ses trois formes isotopiques. Une autre réaction est le cycle de Bethe qui utilise le carbone et lazote comme catalyseurs. Ces réactions coexistent, et dautres aussi.
Lénergie de fusion est émise sous forme de rayons gamma, mais dans le milieu extrêmement dense du cur de létoile, ils sont sans cesse absorbés et réémis par les atomes en perdant chaque fois un peu dénergie ; cest pourquoi le Soleil émet peu de rayons gamma et guère plus de rayons X . Le maximum démission a lieu en lumière visible ; mais il y a aussi des ultraviolets, des infrarouges et des ondes hertziennes : tout le spectre électromagnétique.
Lénergie rayonnée par une étoile très modeste comme notre Soleil est considérable. Faisons un rapide calcul.
La constante solaire est la puissance reçue du Soleil par unité de surface sur la Terre, avant toute absorption par les nuages ; elle est de 0,135 watt par centimètre carré, soit 1,35 kilowatt par mètre carré. Le Soleil rayonnant également dans toutes les directions, sa puissance est répartie à raison de 1,35 kilowatt par mètre carré sur la surface dune sphère de rayon 150 millions de kilomètres (rayon moyen de lorbite terrestre), soit 1,5 * 10^11 mètres.
La surface de cette sphère est denviron 28 * 10^22 mètres carrés ; la puissance solaire est donc denviron 37,8 * 10^22 kilowatts ou 378 yottawatts, ou encore 378 mille milliards de milliards de kilowatts.
Sociétés humaines et Energie
Comme tout être vivant, lhomme a besoin dune énergie indispensable : lénergie chimique apportée par la nourriture, ou plus exactement par le système nourriture-oxygène de lair (Comme loxygène est encore abondant, on ne sen préoccupe pas ; il nen sera peut-être pas toujours ainsi). Cest pourquoi les hommes ont été cueilleurs, chasseurs et pêcheurs, puis agriculteurs et éleveurs.
Remarquons que lénergie chimique de la nourriture provient de lénergie solaire : quelle que soit la chaîne alimentaire que lon remonte, on trouve toujours à lorigine un végétal ou analogue (plantes terrestres ou phytoplancton des océans). Ce végétal a extrait le carbone nécessaire à sa constitution en décomposant des composés pourtant très stables (gaz carbonique et carbonates) grâce à lénergie de la lumière solaire, qui se trouve ainsi stockée sous forme chimique.
Lorsque lhomme se fut assuré sa subsistance, il éprouva dautres besoins et rechercha dautres énergies pour les satisfaire.
Par quoi commença-t-il ?
Par le feu
( Dessin de Barbara, 55 ko)
pour se chauffer, se protéger
des bêtes sauvages et, sans doute plus tard, cuire ses aliments
ou par lutilisation de lénergie mécanique
des animaux domestiqués ? Peu importe. Il utilisa
aussi lénergie du vent (bateaux à voiles,
moulins à vent) et lénergie des cours deau
(moulins à eau et, plus tard, centrales hydroélectriques).
Il faut remarquer que toutes ces énergies ne sont que de lénergie solaire transformée. Cest évident pour le vent, engendré par les différences de température entre masses atmosphériques séchauffant plus ou moins sous les rayons du Soleil.
Cest tout aussi évident pour lénergie des cours deau, car il faut la pluie ou la neige pour alimenter les sources et cest le rayonnement solaire qui assure lévaporation nécessaire à la formation des nuages et " recycle " ainsi leau.
La nourriture des animaux provenant toujours, à la base, de la fonction chlorophyllienne, lénergie mécanique quon peut leur demander nest, comme la nôtre, que de lénergie solaire transformée.
Et le feu ? Cest une réaction chimique exothermique (dégageant de la chaleur) plus ou moins brutale entre loxygène de lair et un combustible. Ce combustible a été pendant longtemps élaboré par des êtres vivants " contemporains " (bois, bouses séchées, huiles et graisses animales et végétales) et donc sous la dépendance directe de lénergie solaire.
Puis on a découvert les combustibles fossiles : charbon, pétrole, gaz naturel. Ces combustibles proviennent, comme les autres, dêtres qui vécurent en des époques fort anciennes.
Remarquons au passage quun gisement de charbon ou de pétrole ne constitue une réserve dénergie que parce que notre atmosphère contient de loxygène : cest le système oxygène-combustible qui représente lénergie.
Jusquà la découverte et la maîtrise de lénergie nucléaire, on peut donc dire que lhomme a utilisé des énergies provenant plus ou moins directement de lénergie solaire.
Je dois signaler deux exceptions, marginales par rapport à tout le reste : lénergie géothermique, prélevant de la chaleur sur la chaleur interne de notre planète et lénergie des marées (anciens moulins à marée, usine marémotrice de la Rance), prélevant de lénergie sur lénergie cinétique de rotation de la Terre sur elle-même.
Problèmes actuels de lénergie
Il est évident que les besoins en énergie croissent avec le niveau de développement ; doù le souci de produire de plus en plus dénergie. Même en supposant que les pays actuellement développés stabilisent, voire réduisent leur consommation dénergie (cest un vu pieux et sans doute illusoire), il faut penser aux pays en voie de développement, qui rassemblent la plus grande part de lhumanité et qui aspirent légitimement à atteindre le niveau de vie des pays riches.
Quelles sont actuellement nos principales sources dénergie ? Ce sont les combustibles fossiles et lénergie nucléaire.
Les combustibles fossiles (charbon, pétrole, gaz) présentent, comme dailleurs tous les combustibles, un inconvénient majeur : ils se transforment par combustion en gaz carbonique, le principal " gaz à effet de serre " ( La définition de l'effet de serre est donnée dans notre page Rayonnements optiques sction Infra-rouge ). Or l'augmentation constante de leffet de serre hypothèque gravement lavenir de notre planète. Il y a même un très inquiétant phénomène d'auto-amplification : plus les océans se réchauffent et moins ils absorbent le gaz carbonique et donc plus le réchauffemnt s'accélère. (Cf Le réchauffement global : une bombe à retardement ? par James Hansen, Pour la Science avril 2004 )
Lénergie nucléaire a dressé contre elle une armée décologistes, qui agitent deux mots épouvantails : Hiroshima (on oublie toujours Nagasaki) et Tchernobyl. Il faut reconnaître que le manque de transparence du nucléaire français a sa part de responsabilité.
Comme toute grande concentration dénergie, une centrale nucléaire peut devenir un danger potentiel si elle est confiée à des gens insuffisamment formés ou sil y a relâchement dans le respect des consignes de sécurité. Il est certain aussi que le traitement et le stockage des déchets posent de difficiles problèmes. Mais ce sont des problèmes à la portée de lhomme, alors que le réchauffement de la planète peut échapper à notre contrôle si nous continuons à rejeter dans latmosphère les énormes quantités de gaz carbonique dues à lutilisation intensive des combustibles.
En faisant " sortir du nucléaire ", comme ils en ont obtenu la promesse en Allemagne et comme ils espèrent bien lobtenir en France, les écologistes, croyant bien faire, poussent à accroître les rejets de gaz carbonique, car les centrales thermiques quils proposent en remplacement des centrales nucléaires auront beau brûler du gaz " naturel "(mot bien sympathique !), elles nen rejetteront pas moins de gaz à effet de serre que si elles brûlaient tout autre combustible.
Ils ont raison lorsquils prônent la modération dans la consommation dénergie et lorsquils incitent à exploiter au maximum les énergies renouvelables (hydroélectrique, éoliennes, panneaux solaires) qui pourraient fournir un appoint substantiel. Mais ils ont gravement tort lorsquils veulent supprimer les centrales nucléaires et leur substituer des centrales thermiques ; cest une mauvaise orientation pour lavenir de la planète.
Le lobby des pétroliers, la plus puissante organisation de la planète, se réjouit davoir de tels alliés, car le pétrole et le gaz lui permettent une domination presque complète sur le monde entier et dirigent la géopolitique (guerre du Golfe, importance de lAfghanistan pour le passage dun gazoduc, etc ). Tout ce qui peut contribuer à lindépendance énergétique dun pays est donc combattu, plus ou moins sournoisement, et il est dommage que les écologistes, bien intentionnés, fassent le jeu des pétroliers.
Ils ont déjà obtenu, en France, une décision malheureuse : larrêt et la promesse de démantèlement de SuperPhénix. Bien sûr, ce surgénérateur nétait pas encore rentable, mais quel prototype ne dépasse pas les budgets prévisionnels ? Cette filière très intéressante utilise lUranium 238 (plus de 99% de luranium naturel), doù une bien moindre consommation duranium. Dautres pays sy intéressent, notamment le Japon et sans doute la verrons-nous revenir, mais la France aura perdu son leadership et la possibilité dexporter des centrales.
Stockage de lénergie
Energie mécanique
Le stockage de lénergie mécanique se fait surtout sous forme dénergie potentielle : poids dhorloge que lon remonte, au sens propre, ressorts que lon " remonte ", barrages remplis deau, etc Le stockage sous forme cinétique est plutôt rare : pour certains services, qui ne peuvent tolérer quune très brève interruption, le démarrage du groupe électrogène qui doit remplacer le secteur défaillant est assuré par un lourd volant quun moteur électrique maintient en rotation permanente et qui sembraye sur le diesel en cas de disparition du secteur.
Energie électrique
Très difficile à stocker en tant que telle. Sous forme potentielle, de gros et onéreux condensateurs nemmagasinent quune énergie modeste ; mais comme ils peuvent la libérer en un temps très court, la puissance instantanée peut être considérable. Il sagit toujours dun stockage très temporaire en vue de produire une impulsion, par exemple un flash lumineux.
Sous forme cinétique, ce serait un courant circulant en circuit fermé dans une bobine ; mais la qualité des bobines réalisables est insuffisante : la résistance du fil dissipe lénergie en un temps très court. Un bobine supraconductrice nayant aucune résistance serait un candidat intéressant : mais lénergie emmagasinée est limitée parce que le champ magnétique fait disparaître la supraconductivité lorsquil atteint une certaine valeur. En outre, les supraconducteurs demandent des températures très basses. Des études actuelles font constamment monter la température limite, mais on est loin dun usage pratique, qui sera dailleurs réservé au transport de lénergie, car, pour le stockage, la limitation due au champ magnétique demeure.
Lénergie électrique est donc très difficile à stocker en tant que telle ; aussi la stocke-t-on sous dautres formes.
Si une batterie daccumulateurs est capable demmagasiner considérablement plus dénergie quun condensateur de volume, voire de poids, équivalent, cest que lénergie ny est pas conservée sous forme électrique, mais sous forme chimique. Le courant de charge provoque une oxydation à lélectrode positive et une réduction à lélectrode négative et cest laccumulation de ces produits doxydation et de réduction qui emmagasine lénergie, qui sera restituée sous forme électrique lors de la décharge de laccumulateur. Toutefois les meilleures batteries actuelles sont encore très loin de stocker autant dénergie quun poids égal de carburant quelconque associé à loxygène de lair.
Energie chimique
Cest celle dont le stockage est le plus facile, dailleurs pratiqué à grande échelle par tous les êtres vivants (sucres pour les végétaux, glycogène et graisses pour les animaux). Dès quil se sédentarisa, lhomme a fait sa réserve de bois de chauffage pour lhiver. Actuellement, les pays " développés " vivent en grande partie sur les réserves, considérables mais non inépuisables, des combustibles fossiles accumulées au cours des âges géologiques.
Les combustibles liquides issus du pétrole nont actuellement pas de rivaux pour la quasi totalité des véhicules autonomes (voitures, avions) ; ils sont seuls à permettre de transporter beaucoup dénergie sous un faible poids.
Perspectives davenir
Si lhumanité veut avoir un long avenir devant elle, elle ne peut pas continuer à épuiser ses réserves et à accumuler dans son atmosphère les gaz à effet de serre.
Il faut " faire quelque chose ". Mais les intérêts à court terme aveuglent les hommes, au point que le Président Bush, appuyé par 80% de ses concitoyens, refuse de sengager sur une réduction, pourtant très modeste, de lémission de gaz à effet de serre.
La vraie solution davenir serait, et jespère sera, la maîtrise de la fusion de lHydrogène en Hélium. Nous avons, en les océans, une immense réserve dhydrogène. Cet hydrogène ne peut pas servir comme combustible, car il est déjà combiné et pour le préparer il faut au moins autant dénergie que ce quil restituera en brûlant ; à ce point de vue, il ne peut nous servir quà stocker ou à transporter de lénergie.
Mais sa fusion thermonucléaire libère des millions de fois plus dénergie que sa combinaison chimique avec loxygène ; on pourra donc sans problème consacrer une très faible partie de lénergie de fusion à préparer lhydrogène nécessaire.
Lennui est que cette fusion demande des températures très élevées, dix à quinze millions de degrés, que nous ne savons pas encore produire de façon durable et contrôlée. D'où les espoirs suscités par les annonces de fusion obtenues à des températures beaucoup plus basses. Il y a quelques années la "fusion froide" annoncée fut un fiasco. En mars 2002, des chercheurs d'Oak Ridge ont annoncé avoir obtenu la fusion du Deutérium par sono-luminescence dans de l'acétone deutéré ; mais d'autres équipes n'ontpas obtenu ce résultat ; encore sans doute une déception...
La seule voie prometteuse est donc celle des très hautes températures.
Outre celui de leur production autrement que par une bombe A, elles posent un autre problème : celui du " récipient " : aucun matériau ne résiste à ces températures. On tourne la difficulté en se passant de récipient en utilisant un confinement magnétique ou inertiel.
Des machines utilisant le confinement magnétique, dites Tokomak, et dautres utilisant le confinement inertiel sont prometteuses, mais elles ne sont pas encore capables, tant sen faut, de produire de lénergie utilisable. Cependant, si lhumanité avait un peu de bon sens, cest dans cette recherche quil faudrait investir les crédits consacrés aux armements. On en est loin ! Il me paraît sûr que la fusion thermonucléaire contrôlée sera un jour la principale source dénergie pour lhumanité, si celle-ci ne se détruit pas avant.
Une petite lueur d'espoir : le projet international ITER, en cours de lancement, aura pour objet l'étude de la fusion thermo-nucléaire contrôlée. Pourvu qu'on lui attribue des crédits convenables. Une amertume cependant : bien que la stabilité géologique du site potentiel français soit nettement supérieure, il est probable que c'est le site japonais qui sera retenu, en raison de la présence en France d'un mouvement anti-nucléaire borné. Dommage ! Que d'emplois, de connaissances et de prestige perdus pour notre pays.
Et en attendant ? (attente qui peut être longue .)
Eh bien, il faut trouver les solutions les moins mauvaises possible.
Il faut dabord recourir le plus possible à ce que les écologistes appellent les énergies renouvelables : hydroélectricité, éoliennes, rayonnement solaire. Remarquons que ces énergies ne sont renouvelables quà notre échelle ; le Soleil séteindra un jour (après avoir, dailleurs, volatilisé la Terre). Mais cette échéance est si lointaine
Leur inconvénient est de produire lénergie à un coût le plus souvent supérieur à celui demandé par les combustibles fossiles ou le nucléaire, et dans un monde dominé par la notion de profit, cela les rend peu intéressantes. Mais, si lon voulait préserver lavenir, il serait sage de lancer un vaste programme mondial dexploitation de ces ressources, afin de limiter le plus possible la consommation de combustibles fossiles en tant que combustibles et darriver peu à peu à les considérer surtout comme de précieuses réserves de matières premières pour lindustrie chimique.
Hydroélectricité Seules les installations importantes peuvent être rentables. Mais il faudra bien, de gré ou de force, cesser de faire de ce concept le seul critère de décision et de petites installations, sur des cours deau modestes, pourront fournir un appoint énergétique intéressant. Sans parler dinstallations de très grande puissance envisageables sur dautres continents.
Eoliennes Les éoliennes modernes, à grande vitesse et bon rendement, ont pour inconvénient un bruit insupportable qui oblige à les installer loin des lieux habités et des exploitations agricoles. Là aussi, il sagit dun appoint énergétique à considérer avec attention dans les régions soumises à des vents assez réguliers.
Rayonnement solaire Il y a deux manières dexploiter le rayonnement solaire : une voie directe et une voie indirecte. Commençons par celle-ci.
Depuis lapparition des végétaux, ceux-ci transforment le rayonnement solaire en énergie chimique. On peut donc cultiver des plantes et récupérer une partie de lénergie solaire absorbée, soit en faisant fermenter la biomasse, ce qui produit du méthane combustible (gaz naturel), soit en provoquant une fermentation alcoolique de cette biomasse, ce qui produit de lalcool (combustible liquide), soit en extrayant les matières grasses que la plante a accumulée dans ses graines (huiles végétales). La combustion de ces produits restitue une partie de lénergie solaire absorbée. En particulier, lalcool et les huiles végétales peuvent fournir des carburants liquides remplaçant les produits pétroliers. On me fera remarquer que lutilisation de ce gaz de biomasse ou des carburants végétaux rejette du gaz carbonique ; bien sûr. Mais ce gaz carbonique provient de végétaux vivants qui ont précisément extrait leur carbone en décomposant le gaz carbonique de latmosphère ; il y a donc une sorte de circuit fermé qui naugmente pas les gaz à effet de serre. Cette compensation est absente avec les combustibles fossiles. Une politique intelligente devrait développer cette voie. Bien sûr, ces carburants sont actuellement plus chers que les produits pétroliers ; mais comme les prix des carburants sont totalement arbitraires, cest une question de choix politique. Ils sont aussi moins performants ; rien détonnant à cela : depuis un siècle, on optimise les moteurs pour les produits pétroliers.
La voie directe se partage en deux branches : thermique et photovoltaïque.
Voie thermique. On peut échauffer de leau dans des tubes noircis et sen servir comme eau chaude domestique, économisant ainsi une autre énergie quon aurait employée à cet effet. Le chauffage des habitations est plus problématique : quand on a besoin de chauffage, il ny a souvent pas beaucoup de soleil. De rares installations concentrent le rayonnement solaire pour atteindre des températures élevées (fours solaires).
Voie photovoltaïque Des dispositifs à semi-conducteurs transforment directement une partie du rayonnement solaire en énergie électrique. Cette voie est demblée très séduisante, mais assez loin dêtre actuellement vraiment utilisable, sauf pour des applications très particulières. En effet, le semi-conducteur actuellement le plus efficace est le silicium. Cet élément est très abondant dans lécorce terrestre, mais toujours combiné (silice, silicates) et son affinité pour loxygène est telle quil faut beaucoup dénergie pour le préparer et le raffiner. Comme le rendement des cellules photovoltaïques va de 5% (cellules commerciales) à 35% (prototypes de laboratoire), il nest pas sûr quun panneau photovoltaïque puisse simplement " rembourser " au cours de sa vie utile lénergie qua coûté sa fabrication. Bien sûr, cela na aucune importance pour équiper les satellites et stations spatiales, dont les budgets sont de toute façon considérables. Cela est aussi laissé de côté lors dapplications ponctuelles dont le but est avant tout le spectaculaire. Mais cest déterminant sil sagit de produire réellement de lénergie.
La voie photovoltaïque ne sera intéressante que lorsque le bilan énergétique global sera très nettement positif. Là encore, il faudrait intensifier la recherche de semi-conducteurs de fabrication moins gourmande que celle du silicium. On y parviendra certainement, mais le délai dépend dune volonté politique.
Imaginons quon dispose de cellules de prix de revient (notamment énergétique) acceptable et dun rendement de 10%.
Au Sahara, la puissance reçue aux heures densoleillement est denviron un kilowatt par mètre carré. Un mètre carré de cellules donnerait 100 watts. Un hectare produirait un mégawatt, un kilomètre carré 100 mégawatts. Bien entendu, cette puissance nest disponible que pendant les heures densoleillement, ce qui fait que la puissance moyenne, si lon veut comparer à une centrale nucléaire, est 5 ou 6 fois plus petite. Mais le caractère discontinu de la puissance nest pas très gênant si elle est utilisée, par exemple, à dessaler de leau de mer. Je ne connais pas lénergie nécessaire pour dessaler un mètre cube deau de mer, mais ny aurait-il pas là un moyen de rendre au Sahara un peu de la fertilité qui fut la sienne en dautres temps ? Projet pharaonique ? Sans doute, mais les efforts pour exploiter les réserves fossiles (forages sous des mers profondes, pipe-lines et gazoducs de milliers de kilomètres) ne le sont-ils pas quelque peu ?
Une société japonaise présente un projet encore plus audacieux : établir dans lespace une station équipée de 6 kilomètres carrés de panneaux solaires et envoyer lénergie sur terre par un faisceau de micro-ondes, focalisé par une antenne dun kilomètre de diamètre. Lavantage dune station spatiale, cest quelle reçoit en permanence la totalité du rayonnement solaire. Bien entendu, il faudrait placer la station sur une orbite géostationnaire et disposer les récepteurs à lécart de tout lieu habité. Les concepteurs ont pour objectif de récupérer un gigawatt, ce qui prouve quils tablent sur un rendement de lordre de 30% pour leurs panneaux solaires, compte tenu des pertes de transformation. Je ne sais pas en combien de temps ils comptent " rembourser " lénergie considérable que représente la réalisation, lassemblage dans lespace et la mise sur orbite géostationnaire de cette énorme structure, mais ils ont dû faire leurs calculs Ce projet de longue haleine prouve que certains considèrent lénergie solaire comme une énergie davenir.
Pour le moment, il est bien évident que les énergies renouvelables seront incapables de satisfaire les besoins énergétiques de lhumanité. Sil est sage de préconiser une modération de nos consommations énergétiques, il nest pas réaliste despérer une grande réduction de ces consommations ; on doit même sattendre à une augmentation importante, due à laccès au développement de nombreux pays.
Dans ce contexte, il serait insensé de rejeter prématurément lénergie nucléaire, moins dangereuse pour lavenir de la planète que lémission massive de gaz à effet de serre liée au remplacement des centrales nucléaires par des centrales thermiques, même si celles-ci brûlent du gaz " naturel " (mot qui a tant de charme aux oreilles non averties et qui emporterait probablement une décision très regrettable en cas de référendum ).
Il faut, au contraire, en attendant lénergie de fusion, améliorer les réacteurs de fission pour accroître leur sécurité et leur rendement ( les ressources minières en uranium ne sont pas inépuisables ) et pour diminuer la quantité et la nocivité des déchets. Des recherches en ce sens sont menées un peu partout dans le monde. (Pour la Science, mars 2002, " Une nouvelle génération de réacteurs nucléaires ", par James Lake, Ralph Bennet et John Kotek )
Les quelques considérations brièvement évoquées ici montrent quil serait impératif que les hommes cessent de se faire la guerre et quau contraire, délaissant la recherche effrénée du profit immédiat et lasservissement économique des pays pauvres, ils unissent leurs efforts pour des réalisations planétaires en vue du bien de tous. Cela viendra-t-il un jour ? Je lespère, mais ce nest pas pour tout de suite : il suffit de voir les résistances devant des modérations minimes, comme le protocole de Kyoto ou le projet de taxe Tobyn.
Pourvu que cette entente vienne avant quil ne soit trop tard.