Décibels

Les dessins de Florence (44 ko) illustrent bien ce qui vient à l’esprit de la plupart des gens lorsqu’on parle de décibels : on pense à une unité de mesure du son.

Ce sens, pour être exact, demande quelques compléments et, par ailleurs, il est très restrictif, alors que les décibels sont d’un usage absolument général.

Une remarque préliminaire : comme pour le microfarad, il s’agit d’un sous-multiple ayant pris la place de l’unité ; le décibel est, bien entendu, la dixième partie du Bel (du nom de Graham Bell, inventeur du téléphone). Mais on dit toujours 20 décibels et non 2 Bels.

Les décibels sont une notation logarithmique d’un rapport de puissances.

Je ne veux pas ennuyer mes lecteurs, mais je suis obligé d’expliquer un peu la notion de logarithmes.

Ecrivons l’une au dessous de l’autre deux séries de nombres telles que :

-le zéro (élément neutre de l'addition) de la première corresponde au 1 (élément neutre de la multiplication) de la seconde

-chaque fois que l’on progresse dans la première par addition d’une quantité constante, le terme correspondant de la deuxième se déduise du précédent par multiplication par un facteur constant.

La première suite est la suite des logarithmes des termes de la seconde.

On voit qu’on peut créer autant de systèmes de logarithmes que l’on veut, mais en pratique il n’y en a que deux en usage: les logarithmes " naturels " ou népériens (du nom du baron écossais Néper qui inventa les logarithmes à la fin du 16ème ou au début du 17ème siècle) et les logarithmes " vulgaires " ou décimaux imaginés peu après par Briggs, professeur à Oxford

Une notation logarithmique des rapports de puissance a été basée sur les logarithmes népériens et son unité est précisément le Néper ; elle a été employée par les télégraphistes. Mais comme elle est beaucoup moins répandue que la notation basée sur les logarithmes décimaux, nous nous occuperons exclusivement de celle-ci.

Ecrivons en première suite celle des nombres entiers et en deuxième suite celle des puissances de 10 correspondant à ces entiers :

 

0 1 2 3 4 5 6
1 10 100 1000 10 000 100 000 1 000 000

La première ligne contient les logarithmes décimaux des nombres de la deuxième ligne.

Si la deuxième ligne contient des rapports de puissances, la première ligne exprime ces rapports de puissance en Bels.

Les nombres négatifs n’ont pas de logarithmes, mais les logarithmes peuvent  être négatifs ; les nombres correspondants sont alors les puissances négatives de la base, donc les inverses des puissances en valeur absolue.

Exemple :

 

-3 -2 -1 0 1 2 3
1 / 1000 1 / 100 1 / 10 1 10 100 1000

Nous avons, là encore, dans la ligne supérieure, la notation en Bels des rapports de puissances figurant dans la ligne inférieure.

Bien entendu, une telle échelle serai trop grossière, des sauts d’un facteur 10 sont trop importants pour un usage pratique. Evidemment, avec une table de logarithmes, on pourrait exprime aussi finement que l’on veut, en Bels et fractions de Bel n’importe quel rapport de puissance.

Mais, dans la pratique, on n’a pas besoin d’une telle finesse : on s’est donc contenté d’utiliser le premier sous-multiple du Bel : le déciBel, dans le nom duquel on laisse habituellement tomber la majuscule (pauvre Graham !) .Notons cependant que l’abréviation correcte est dB.

La notation en décibels s’est imposée pour plusieurs raisons. D’abord, avec une notation logarithmique, le gain (ou l’atténuation) d’un système complexe quelconque est simplement la somme algébrique des gains des diverses parties qui le composent. Ensuite, les réponses de nos sens suivent des lois approximativement logarithmiques ; vous me direz qu’on ne peut pas le savoir, puisqu’on ne peut pas mesurer la sensation ; c’est vrai, mais on peut mesurer la plus petite variation de l’excitation qui soit perceptible. On s’aperçoit alors que cet incrément est proportionnel à l’excitation elle-même : donc la sensation répond logarithmiquement à l’excitation.

Il se trouve que, précisément, un décibel est à peu près l’échelon de variation de puissance qui est perceptible dans le domaine sonore ; cette coïncidence a certainement contribué à répandre l’usage des décibels.

Que vaut un décibel ? Nous savons que c’est un rapport de puissances, mais quel est ce rapport ?

Nous avons vu que le Bel correspond à un rapport 10.

Le décibel en étant la dixième partie correspond donc à un rapport égal à la racine dixième de 10, c’est à dire environ 1,26 .

Le logarithme de 2 étant 0,30103, on peut admettre avec une très faible erreur que 3 dB correspondent à un facteur 2 ; de même, on admettra que 6 dB correspondent à un facteur 4, et que 7 dB correspondent à un facteur 5.

(vérification : 3 + 7 = 10 dB correspondent à un rapport de 2 x 5 = 10)

Les tableaux suivants donnent quelques correspondances entre décibels et rapports de puissances :

 

dB -40 -30 -20 -10 -7 -6 -3
P2 / P1 1/10000 1/1000 1/100 1/10 1/5 1/4 1/2

 

dB 0 3 6 7 10 20 30 40
P2/P1 1 2 4 5 10 100 1000 10000

Comme les décibels n’expriment qu’un rapport de puissances, si l’on veut s’en servir pour mesurer une grandeur physique, il faut se fixer la puissance qui correspondra à 0 dB.

Il y a en pratique plusieurs échelles, si bien que la même puissance s’exprime par des nombres de dB très différents suivant l’échelle employée.

C’est dans le domaine électricité et électronique que la situation est la plus claire : les puissances sont aisément mesurables et le choix d’une puissance de référence est facile. Par exemple, les téléphonistes ont fixé cette puissance à 1 milliwatt, ce qui est à peu près la puissance à fournir à un l’écouteur d’un combiné téléphonique pour une écoute confortable ; ils utiliseront donc le dBmW, ou plus brièvement le dBm.

Remarque importante : la puissance fournie à une charge résistive
est proportionnelle au carré de la tension aux bornes de la charge. Donc mutiplier cette tension par 10 multiplie la puissance par 100 et correspond donc à un gain de 20 dB et non de 10 dB. Un décibel correpond à un rapport de tension de 1,12 environ.

La situation est plus complexe dans le domaine acoustique, qui est devenu, il faut l’avouer, le domaine " grand public " de l’emploi des décibels.

Il n’est pas aisé de définir un son étalon servant de référence 0 dB.

Pour éviter d’avoir à employer des nombres négatifs, on a pris comme niveau zéro le seuil d’audibilité de l’oreille humaine ; c’est assez théorique et je pense qu’on a dû faire des statistiques sur un grand nombre d’auditeurs " normaux ".

Le son est une variation périodique de la pression de l’air ; la puissance sonore est proportionnelle au carré de l’amplitude de la variation de pression, tout comme la puissance électrique dans une charge résistive est proportionnelle au carré de la tension à ses bornes.

Les statistiques ont conduit à admettre comme seuil d’audibilité un son correspondant à une amplitude de pression de 20 micropascal . Rappelons que le pascal est égal à un newton par mètre carré.

En outre, la sensibilité de l’oreille varie beaucoup en fonction de la fréquence du son ; elle est maximale pour les fréquences moyennes, celles qui correspondent précisément aux " formants " de la parole. Il a donc fallu définir des " courbes de pondération " donnant aux appareils de mesure des caractéristiques semblables à celles de l’oreille humaine . La plus employée de ces courbes de pondération est la courbe A ; on parle alors de dB(A).

Le tableau suivant donne quelques repères pratiques ; les pressions sont exprimées en pascals et sous-multiples.

 

dB(A) Pression acoustique Environnement ou source du bruit
0 20 µpa Seuil d’audibilité
10 63 µpa Bruissement de feuille
20 200 µpa Jardin tranquille
30 630 µpa Habitation tranquille
40 2 mpa Bureau tranquille
50 6,3 mpa Restaurant tranquille ; bureau commun à plusieurs.
60 20 mpa Conversation normale entre deux personnes.
70 63 mpa Restaurant bruyant ; conversation à plus de 2 personnes.
80 200 mpa Radio très puissante.
90 630 mpa Rue à trafic intense. Cris.
100 2 pa Route à grande circulation. Moto sans silencieux.
110 6,3 pa Train passant dans une gare.
120 20 pa Banc d’essai moteurs.
130 63 pa Marteau piqueur très puissant. Seuil de la douleur.
140 200 pa Avion à turbo-réacteurs.

Le tableau ci-dessus a trait aux bruits ; nous pouvons en dresser un autre relatif à l’usage musical :

 

Walkman au casque ; Chaîne Hi-Fi sur haut-parleurs 70 à 100 dB(A)
Petit orchestre 90 à 95 dB(A)
Chaîne Hi-Fi au Casque 85 à 120 dB(A)
Discothèque 90 à 105 dB(A)
Local de répétition rock 90 à 110 dB(A)
Concert rock 100 à 115 dB(A)

Bien entendu, lorsqu’on est maître du niveau, il est possible d’écouter de la musique à des puissances bien inférieures à celles indiquées ; c’est même recommandé, aussi bien pour les relations de bon voisinage que pour préserver l’intégrité des oreilles.

En effet, les niveaux sonores élevés sont néfastes pour l’appareil auditif ; on admet que pour les niveaux supérieurs à 80 dB(A) le temps d’exposition hebdomadaire doit être strictement contrôlé et, naturellement, d’autant plus court que la puissance sonore est élevée.

Un simple walkman pouvant délivrer une puissance sonore de 100 dB(A) et pouvant être écouté pendant de longues durées est déjà potentiellement dangereux.

Il serait bon que les jeunes comprennent qu’ils hypothèquent gravement l’avenir de leur audition en demandant, pour  " s’éclater en boîte " ou lors des concerts rock ou techno, les niveaux sonores délirants que la technique moderne permet aisément de leur fournir.

La dynamique de l’oreille humaine normale est très étendue. Entre le seuil d’audibilité et le seuil de douleur l’écart est d’environ 130 dB (comme il s’agit d’un rapport de puissances, il s’exprime en dB " tout court "). Or 130 dB correspondent à 10 puissance 13, c’est à dire 10 000 milliards ! Si nous enlevons 10 dB à chaque extrémité, il reste encore comme dynamique utile 110 dB, soit un rapport de 100 milliards.

Lorsque l’audition devient moins bonne, par suite de l’âge ou autres dommages, le seuil d’audibilité remonte, mais le seuil de douleur reste à peu près le même ; la dynamique se restreint.

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