Electrons
Pour la plupart de ses applications, le courant électrique circule dans des conducteurs métalliques. Dans les métaux, le courant électrique est véhiculé par les électrons " libres ", qui confèrent aussi à ces corps une grande conductibilité thermique et ce que lon nomme " léclat métallique ".
Si lélectricité statique est connue depuis lantiquité (Thalès de Milet) par ses effets mécaniques (attractions et répulsions de corps légers), létude du courant électrique na pu vraiment commencer quaprès linvention, en 1800, de la pile par Alessandro Volta. Alors, les progrès furent très rapides : après lexpérience fondamentale dOersted (1818) montrant la liaison entre lélectricité et le magnétisme, les travaux de nombreux savants (Ampère, Faraday, etc ) conduisirent rapidement aux lois de lélectromagnétisme et aux applications qui transformèrent peu à peu la vie ; il serait fastidieux de les énumérer.
Vers la fin du 19ème siècle, toutes les lois et les grandes applications du courant électrique étaient acquises, mais la nature de ce courant toujours mystérieuse.
Les plus grands progrès des connaissances sur cette nature provinrent dexpériences dans des gaz sous très faible pression.
On connaissait depuis longtemps les " Tubes de Geissler ", tubes contenant un gaz sous faible pression et muni de deux électrodes entre lesquelles on appliquait une tension électrique très élevée, provenant dune machine électrostatique .. (machine de Wimshurst notamment) ou dune bobine de Ruhmkorff et qui silluminaient alors de façon variée (souvent très belle), selon la nature et la pression du gaz.
William Crookes, en Angleterre, eut la curiosité de pousser la raréfaction du gaz jusquau point où le tube devint obscur. Il observa alors que le verre devenait fluorescent à lextrémité opposée à la cathode. Ayant construit des tubes spécialement adaptés à étudier ce phénomène, il constata que ses rayons cathodiques se propageaient en ligne droite et étaient déviés par les champs électriques et magnétiques, mais je ne crois pas quil soupçonna leur véritable nature.
En Amérique, Edison, inventeur fécond sil en fut, avait réalisé les premiers modèles de lampe déclairage à incandescence. Un filament de carbone dans une ampoule vide dair était porté à haute température par le passage dun courant et dispensait une lumière que nous trouverions bien jaune, car on ne pouvait atteindre le blanc éblouissant, le carbone sévaporant trop vite. Même en régime normal, lévaporation du carbone noircissait peu à peu le verre de lampoule. Pour étudier ce phénomène et essayer de le ralentir, Edison eut lidée dintroduire une électrode supplémentaire dans lampoule. Le filament était chauffé en courant continu, le plus répandu à lépoque et dont Edison était un indéracinable partisan. Edison constata quun galvanomètre branché entre lélectrode isolée et le pôle positif du filament indiquait le passage dun certain courant, alors quil nen indiquait pas par branchement au pôle négatif.
Edison, qui méprisait les théoriciens et nétait donc pas au courant des idées qui commençaient à naître dans la communauté scientifique, ne sut pas interpréter ce phénomène, quil jugea sans intérêt pratique et dont il abandonna létude. Cest ainsi quil passa à côté dune découverte majeure : lémission délectrons par les métaux ou les semi-conducteurs portés à haute température.
Cet effet fut exploité par Fleming, qui réalisa en 1904 la lampe diode, puis par Lee De Forest, qui, par lintroduction dune " grille " construisit en 1907 la lampe triode qui permit le développement que lon sait de la TSF, puis la naissance de lélectronique.
Entre temps, Jean Perrin(*)
avait démontré que les rayons cathodiques de
Crookes transportaient des charges délectricité
négative. A la lumière de beaucoup de constatations
convergentes, lhypothèse de lélectron
comme acteur des phénomènes électriques et
un des constituants essentiels de la matière se répandit
dans la communauté scientifique, non sans discussions et
oppositions, comme cest toujours le cas.
(*) Jeune chercheur
au laboratoire de René Audubert, j'ai assisté, avec
mon " patron " et d'autres membres du labo, à
une conférence de Jean Perrin, lors d'un congrès
de scientifiques. Je me rappelle très bien sa belle tête
nimbée d'une abondante crinière blanche, l'humour
malicieux émaillant son exposé et la vénération
affectueuse que lui témoignaient les congressistes. L'épopée
de l'électron et de l'atome n'est pas si loin
)
Finalement, l'hypothèse de l'électron triompha et en 1910 laméricain Robert Millikan, par une expérience très ingénieuse et dune extrême délicatesse, réussit à mesurer la charge de lélectron.
Cette charge délectricité (négative) est très petite (1,6 x 10^-19 coulomb soit 160 zeptocoulomb),aussi le moindre courant électrique met-il en jeu un nombre considérable délectrons.
Lunité MKS de charge électrique, le coulomb, vaut donc 6,25 x10^18 fois la charge de lélectron.
Un courant de 1 ampère transporte 1 coulomb par seconde ; donc
Le filament dune petite ampoule de lampe de poche consomme environ 0,2 ampère ; il est donc parcouru par plus dun milliard de milliards délectrons par seconde.
Il est à noter que les électrons disponibles dans les métaux sont tellement nombreux quils nont pas besoin daller vite pour assurer un tel flux. Cest le champ électrique, qui " ordonne " en quelque sorte aux électrons de se déplacer, qui se propage à la vitesse de la lumière (dans le vide, moins vite dans les diélectriques). Les électrons eux-mêmes se déplacent considérablement moins vite.
Ce sont les collisions des électrons " libres " avec les atomes du métal (résistance électrique) qui échauffent le conducteur, au point, dans le cas de notre filament, de le porter à une température suffisante pour quil émette des photons de lumière visible.
Il est à noter que lélectricité positive est toujours liée à la matière
Il y a dautres corps conducteurs que les métaux : les électrolytes et les semi-conducteurs.
Electrolytes
Ce sont les solutions dacides, de bases et de sels.
Dans les électrolytes, le transport du courant nest plus assuré par des électrons " libres ", mais par des ions, cest à dire des atomes ou fragments de molécules ayant gagné (ions négatifs) ou perdu (ions positifs) un ou plusieurs électrons périphériques.
Lorsquon dissout du sel de cuisine dans de leau, le chlorure de sodium ClNa se dissocie en ions chlore négatifs Cl- et en ions sodium positifs Na+.
Si lon plonge des électrodes dans cette solution et que lon applique une tension, un courant passera, véhiculé à la fois par les deux " sexes " dions, se déplaçant en sens inverse.
Les charges des ions sont égales à celle de lélectron (au signe près pour les ions positifs) ou à un petit multiple de celle-ci (ions polyvalents, par exemple lion calcium Ca++ ou lion ferrique Fe+++) . Les nombres de porteurs pour un courant donné sont donc du même ordre de grandeur que ceux calculés plus haut.
Bien que ce soit quelque peu hors sujet, je ferai remarquer que la perte ou le gain dun électron change complètement les propriétés dun atome. Avec ses 11 électrons, le sodium est un métal qui réagit violemment en présence deau, quil décompose en libérant lhydrogène. Perdant 1 électron, il devient lion sodium qui ne réagit pas avec leau. De même, avec ses 17 électrons, le chlore est un gaz à odeur suffocante qui attaque les métaux, même lor. Gagnant 1 électron, il devient lion chlore, inodore et nattaquant pas les métaux.
Mais si nous mettons deux électrodes dans la solution de sel de cuisine et que nous appliquions une tension électrique entre elles, les ions sodium (positifs) iront vers lélectrode négative qui leur restituera lélectron manquant ; les ions deviendront du sodium métal, qui réagira immédiatement avec leau en donnant de la soude et de lhydrogène. De leur côté, les ions chlore (négatifs) seront attires par lélectrode positive qui leur enlèvera lélectron surnuméraire et les ions deviendront le chlore des chimistes, immédiatement signalé par son odeur et attaquant lélectrode si elle est métallique.
Semi-conducteurs
Dans ces corps, qui ont pris une importance considérable en électronique grâce aux progrès des connaissances en Physique des Solides, le courant électrique est transporté par deux " sexes " de porteurs : les électrons et les " trous ".
Les électrons ne sont pas " libres " comme dans les métaux, mais ils ne sont pas tous rivés chacun à un atome donné, comme dans les corps isolants ; sous certaines conditions, certains dentre eux peuvent voyager à travers le réseau cristallin. Cest précisément cette " semi-liberté " qui fait tout lintérêt de ces substances, permettant des conductions unilatérales (diodes, redresseurs) ou des amplifications (transistors).
Les " trous " sont linverse des électrons : ce sont des manques délectrons, ce qui correspond donc à des charges positives, égales, au signe près, à celle de lélectron. mais, à la différence de celles des ions positifs, ces charges ne sont pas liées à la matière et peuvent se déplacer dans le réseau cristallin à peu près comme les électrons, mais en sens inverse évidemment.
Dans un semi-conducteur rigoureusement pur, les électrons mobiles et les " trous " sont créés en quantité égale par lagitation thermique. Mais des traces dimpuretés, principalement datomes voisins horizontalement dans la table de Mendéléieff, fait prédominer lun des deux " sexes " de porteurs : par exemple une trace de Phosphore (pentavalent) dans du Silicium pur (tétravalent) fait prédominer les électrons ; on dit alors que le semi-conducteur est de type N.
A linverse, une trace dAluminium (trivalent) dans le Silicium pur fait prédominer les " trous " ; le semi-conducteur est alors de type P.
Par des techniques très délicates de diffusion en phase gazeuse, on sait transformer le Silicium très pur en Silicium N ou P, les concentrations délectrons mobiles ou de " trous " étant contrôlées de façon précise par les conditions du " dopage ". Des techniques très fines de masquage permettent de créer sur la même plaquette des zones N et des zones P, adjacentes ou superposées : ainsi sont faits les transistors NPN et les transistors PNP, complémentaires les uns des autres ; et aussi les MOS (Métal Oxyde Semi-conducteur) à canal N ou à canal P, également complémentaires les uns des autres.
Jai pris comme exemple le Silicium, parce que cest un corps simple, un élément, et que lexplication est plus aisée dans ce cas ; en raison aussi de son importance dans lélectronique et linformatique actuelles (cf la Silicon Valley ); mais il existe beaucoup dautres semi-conducteurs, notamment des corps composés. Des combinaisons dun élément pentavalent avec un élément trivalent : arséniure de Gallium et antimoniure dIndium sont utilisés pour des diodes électroluminescentes et pour des appareils fonctionnant à très haute fréquence.
Avant daboutir à cette maîtrise des semi-conducteurs, on avait déjà remarqué que certains couples présentaient une conductibilité unilatérale ou tout au moins préférentielle. Ainsi furent utilisés comme redresseurs les couples Fer-Sélénium et Cuivre-oxyde cuivreux, sans oublier la détection des ondes hertziennes par le contact entre une pointe métallique et un semi-conducteur, le plus courant était la Galène (sulfure de Plomb), mais on a utilisé aussi la Pyrite (sulfure de Fer), la Chalcopyrite (sulfure de Cuivre), le Carborundum (carbure de Silicium), etc
Lorsquon recherchait, sur un morceau de Galène, un bon " point sensible ", on cherchait une région où le hasard de la distribution des impuretés avait produit le " dopage " optimal.
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