Comme dans larticle précédent, le mot " astronomique " est pris dans son sens réel : il sagit des masses des corps célestes.
Comment évaluer ces masses ? Cela paraît encore plus difficile que de mesurer les distances.
Newton a établi la loi de la gravitation universelle : deux masses sattirent avec une force proportionnelle à leur produit et inversement proportionnelle au carré de la distance séparant leurs centres de gravité ; le coefficient de proportionnalité est la " constante gravitationnelle " désignée G.
Pour mesurer les masses des corps célestes (y compris celle de la Terre), il faut dabord déterminer G .
Détermination de la constante gravitationnelle
Rien de plus simple, semble-t-il : prenons deux masses connues, mettons-les à une distance connue et mesurons la force dattraction entre elles.
Ce serait facile, en effet, si la gravitation nétait une force très petite, la plus faible, et de loin, des quatre forces qui régissent lunivers.
Vous me direz que, lorsquon porte une lourde valise ou que lon chute sur le sol, on ne trouve pas que la gravitation est si faible que cela ! Cest vrai, mais si la pesanteur terrestre est importante, cest que lune des masses en présence, celle de la Terre, est, à notre échelle, considérable.
Les premières mesures de G sont dues à Cavendish (1798) : ayant fixé deux petites sphères de platine aux extrémités dun pendule de torsion, il en approcha deux grosses sphères de plomb et mesura langle de déviation du pendule ; il en déduisit la valeur de G . Ces mesures ont été reprises au cours des âges ; elles sont extrêmement délicates en raison de la petitesse des forces mises en jeu.
Pour men rendre compte, jai imaginé que nous faisions une expérience genre " Cavendish " et, donnant à G la valeur actuellement admise, jai calculé la force dattraction entre deux sphères de platine de rayons 1 cm et 10 cm ; ces sphères ont pour masses respectives 89,7 grammes et 89,7 Kilogrammes. (Dans une expérience imaginaire, on nest pas soumis aux basses contingences ; Cavendish avait utilisé le plomb pour ses grosses sphères, sans doute parce que le platine était trop cher ; mais pourquoi nous priver dutiliser ce métal plus dense ?).
Les deux sphères étant placées à 1 cm décart (12 cm de centre à centre), je trouve entre elles une force dattraction de 3,75 * 10^-8 newton, donc moins de quatre millièmes de milligramme-poids. (avec la grosse sphère en plomb, la force serait réduite environ à la moitié). Et cest cette force microscopique quil sagit de mesurer avec le plus de précision possible pour peser la Terre et les astres !
Je passe sur toutes les causes dimprécision et je tire mon chapeau bien bas à Cavendish, qui, à la fin du 18ème siècle, trouva un résultat pas tellement éloigné des mesures les plus récentes. Un correspondant canadien ma communiqué un tableau des mesures de G au cours du temps ; je ne donnerai que la première et les deux dernières valeurs :
1798 Cavendish 6,754
1977 Sagitov 6,674
1982 Luther 6,6726
Remarquons que nos expérimentateurs modernes donnent quatre décimales, mais ne sont pas daccord sur la troisième !
Ce nombre est à faire suivre du facteur 10 puissance 11 en MKS.
Mesure des masses
Une fois connue G, nous pouvons aborder la mesure des masses des objets célestes. Deux méthodes soffrent à nous.
Première méthode : Mesure de la pesanteur.
Cette méthode ne peut sappliquer que si lon se trouve sur la surface de lastre ; elle est donc réservée, pour le moment, à la Terre et, pour les astronautes des missions Apollo, à la Lune.
Laccélération de la pesanteur peut se déduire de létude de la chute des corps, mais avec une précision beaucoup plus grande par létude dun pendule.
Soit g laccélération de la pesanteur. Le pendule simple oscille, pour ses petites oscillations, avec une période T = 2*pi* racine carrée de L / g , L étant la longueur du pendule.
Le pendule simple étant un appareil irréalisable en pratique (masse concentrée en un point, lien sans masse, etc..) on utilise un appareil qui obéit à la même loi : le pendule réversible. On peut alors connaître L avec précision ; la mesure de T donne alors g .
Connaissant g, le calcul de la masse de la Terre est facile si on lassimile à une sphère parfaite, formée de couches concentriques homogènes (pour que le centre de gravité coïncide avec le centre géométrique) et si lon connaît son rayon.
La loi de Newton nous conduit à : M = g * R^2 / G
Admettons pour le rayon 6366 km (40 000 divisé par 2 pi) et pour g la valeur 9,81 en MKS apprise à lécole ; cela nous donne :
Masse de la Terre = 5,95 * 10^24 kilogrammes.
Si nous considérons le kilogramme comme une unité à part entière (base du système MKSA ) nous pouvons écrire : 5,95 yottakilogrammes.
Autrement dit : 5,95 millions de milliards de milliards de kilogrammes.
Malgré nos hypothèses simplificatrices et le peu de précision sur g , nous ne sommes pas très loin de la valeur " officielle " : 5,9742 * 10^24 kilogrammes.
Deuxième méthode : Etude des satellites
Je prends " satellite " au sens large : tout corps céleste décrivant une orbite autour dun autre corps : la Terre autour du Soleil, la Lune autour de la Terre, Titan autour de Saturne, ou nos satellites artificiels autour de notre globe.
Pour que le calcul reste accessible à mon niveau mathématique, il faut que le système satisfasse à deux conditions : lorbite doit pouvoir être considérée comme circulaire et la masse du " satellite " comme négligeable devant celle de lastre autour duquel il tourne (la masse du satellite nintervient pas dans la mesure, mais, si elle est importante, on ne peut plus confondre le centre de gravité du système avec le centre de lastre " pivot " et le calcul sen trouve compliqué).
La mécanique élémentaire nous dit que, pour faire tourner un corps de masse m en un cercle de rayon R à une vitesse angulaire oméga, il faut quil subisse une force centripète égale à m * R * oméga^2, autrement dit quil soit soumis à une accélération centripète égale à R * oméga^2.
Dans le cas dun " satellite ", cette accélération nest autre que lattraction newtonienne exercée par lastre " pivot " de masse M.
Nous avons vu plus haut que cette accélération, à la distance R du centre de la masse M était égale à M * G / :R^2.
Ce qui conduit à M = R^3 * oméga^2 / G.
Essayons maintenant de calculer la masse du Soleil.
Rayon de lorbite terrestre, supposée circulaire : 150 Gm, soit 1,5 * 10^11 m.
Vitesse angulaire : 1 tour en 1 an, soit 2 * pi radians en 8766 heures, donc en 31. 557. 600 secondes, donc 1,990 * 10^-7 radians par seconde.
Constante gavitationnelle : 6,673 * 10^-11.
Le calcul nous donne : 2,002 * 10^30 kg ; nous sommes un peu au-dessus de la valeur " officielle " : 1,989 * 10^30 kg, mais ce nest pas si mal pour un calcul approché.
( Alain
Pujol ma fait remarquer quon manque de préfixes
au-delà de 10^24 ( yotta ). Il propose de continuer à
remonter lalphabet, ce qui donnerait, par exemple :
10^27 : xitta
10^30 : wetta
10^33 : votta
10^36 : uatta
Avec cette notation, le Soleil aurait une masse de 2 wettakilogrammes,
ou, si lon préfère, de 2 vottagrammes. Nous
soumettons respectueusement cette suggestion aux instances scientifiques
internationales, mais il est peu probable que ces lignes tombent
un jour sous leurs yeux ! )
Cette méthode " des satellites " sapplique à tous les astres autour desquels tournent dautres corps : dabord, toutes les planètes du système solaire à partir de la Terre, toutes munies de satellites plus ou moins nombreux, puis les étoiles possédant un compagnon, cas relativement fréquent.
Pour Vénus, qui na pas de satellite naturel, la masse a dû être mesurée avec précision lorsquon a envoyé des sondes spatiales tourner autour delle.
Je ne sais pas sil en a été de même avec Mercure, ou si sa masse a été mesurée par les perturbations de sa trajectoire sous linfluence de Vénus ; ce genre de mesure est possible en raison de lextrême précision avec laquelle on détermine les paramètres orbitaux des objets du Système Solaire.
Masse, rayon, densité des principaux objets du Système Solaire
Jai ajouté la durée de rotation sur lui-même de chacun de ces corps ( cela na pas de rapport avec la masse, mais cela présente un certain intérêt ) et jai inclus la Lune, qui présente pour nous une grande importance.
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Soleil | 328 000 | 696 000 | 1,41 | 25 jours * |
Mercure | 0,05 | 2425 | 5,4 | 58,6 jours |
Vénus | 0,82 | 6070 | 5,1 | 243 jours |
La Terre | 1,00 | 6378 | 5,52 | 23 h 56 m 4 s ° |
La Lune | 0,0123 | 1378 | 3,3 | 27,32 jours °° |
Mars | 0,12 | 3395 | 3,97 | 24 h 37 m 22 s |
Jupiter | 317,80 | 71 600 | 1,33 | 9 h 50 min |
Saturne | 95,2 | 60 000 | 0,68 | 10 h 14 min |
Uranus | 14,5 | 25 900 | 1,60 | 10 h 49 min |
Neptune | 17,2 | 24 750 | 2,25 | 18 h |
Pluton | 0,01 ? | 1500 | 1,5 | 6,39 jours |
*à léquateur, moins rapide (35 jours) vers les pôles, le Soleil nétant pas un globe solide.
° il sagit du jour sidéral, temps séparant deux passages au méridien dune même étoile ; le jour de 24 heures est le jour solaire moyen, légèrement plus grand à cause du déplacement de la Terre sur son orbite entre deux passages du Soleil au méridien.
°° cette durée est évidemment égale au " mois lunaire " : pour nous montrer toujours la même face, la Lune doit tourner sur elle-même dans le même temps quelle met à faire un tour complet autour de la Terre.
Masses des Etoiles
Si lon peut observer un système détoile double avec assez de précision pour avoir une bonne estimation de la distance des deux composantes du système et de leur période de rotation autour de leur centre de gravité commun, il est possible den déduire les deux masses par un calcul analogue à celui indiqué plus haut dans " Etude des Satellites ", et basé sur une généralisation des lois de Képler.
Si nous désignons par m1 et m2 les masses des deux composantes, exprimées en masses solaires, par P la période de leur rotation en années, par a le demi grand axe de lorbite en secondes darc et par p la parallaxe du système en secondes darc (se reporter au besoin à " Distances astronomiques "), la troisième loi de Képler conduit à : (m1 + m2) = a^3 / P^2 * p^3.
Les systèmes détoiles doubles sont nombreux (on en connaît plus de 64 000), mais ceux pour lesquels on peut mesurer les trois paramètres le sont beaucoup moins. Ils sont extrêmement précieux, car cest la seule méthode permettant une mesure directe de la masse des étoiles.
Grâce à ces mesures, les astronomes ont pu établir une correspondance assez étroite entre la masse, la luminosité et la température de couleur des étoiles, ce qui permet destimer la masse des astres qui ne sont pas accessibles à la mesure directe.
Les masses stellaires peuvent varier entre un vingtième de la masse du Soleil et 70 fois cette masse. Notre Soleil est une étoile plutôt petite, ce qui lui assure une bonne longévité. Son âge est de 4,5 milliards dannées et il semble avoir devant lui un avenir du même ordre et il doit finir sa vie sans explosion. Plus les étoiles sont grosses, moins elles vivent vieilles, et au-dessus dun certain nombre de masses solaires, elles connaissent une fin explosive, projetant dans lespace les éléments lourds engendrés au cours de cette phase ultime.
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