Masses astronomiques

( Dessin de Barbara, 56 ko)

Comme dans l’article précédent, le mot " astronomique " est pris dans son sens réel : il s’agit des masses des corps célestes.

Comment évaluer ces masses ? Cela paraît encore plus difficile que de mesurer les distances.

Newton a établi la loi de la gravitation universelle : deux masses s’attirent avec une force proportionnelle à leur produit et inversement proportionnelle au carré de la distance séparant leurs centres de gravité ; le coefficient de proportionnalité est la " constante gravitationnelle " désignée G.

F = G * m * m’ / d ^ 2

Pour mesurer les masses des corps célestes (y compris celle de la Terre), il faut d’abord déterminer G .

Détermination de la constante gravitationnelle

Rien de plus simple, semble-t-il : prenons deux masses connues, mettons-les à une distance connue et mesurons la force d’attraction entre elles.

Ce serait facile, en effet, si la gravitation n’était une force très petite, la plus faible, et de loin, des quatre forces qui régissent l’univers.

Vous me direz que, lorsqu’on porte une lourde valise ou que l’on chute sur le sol, on ne trouve pas que la gravitation est si faible que cela ! C’est vrai, mais si la pesanteur terrestre est importante, c’est que l’une des masses en présence, celle de la Terre, est, à notre échelle, considérable.

Les premières mesures de G sont dues à Cavendish  (1798) : ayant fixé deux petites sphères de platine aux extrémités d’un pendule de torsion, il en approcha deux grosses sphères de plomb et mesura l’angle de déviation du pendule ; il en déduisit la valeur de G . Ces mesures ont été reprises au cours des âges ; elles sont extrêmement délicates en raison de la petitesse des forces mises en jeu.

Pour m’en rendre compte, j’ai imaginé que nous faisions une expérience genre " Cavendish " et, donnant à G la valeur actuellement admise, j’ai calculé la force d’attraction entre deux sphères de platine de rayons 1 cm et 10 cm ; ces sphères ont pour masses respectives 89,7 grammes et 89,7 Kilogrammes. (Dans une expérience imaginaire, on n’est pas soumis aux basses contingences ; Cavendish avait utilisé le plomb pour ses grosses sphères, sans doute parce que le platine était trop cher ; mais pourquoi nous priver d’utiliser ce métal plus dense ?).

Les deux sphères étant placées à 1 cm d’écart (12 cm de centre à centre), je trouve entre elles une force d’attraction de 3,75 * 10^-8 newton, donc moins de quatre millièmes de milligramme-poids. (avec la grosse sphère en plomb, la force serait réduite environ à la moitié). Et c’est cette force microscopique qu’il s’agit de mesurer avec le plus de précision possible pour peser la Terre et les astres !

Je passe sur toutes les causes d’imprécision et je tire mon chapeau bien bas à Cavendish, qui, à la fin du 18ème siècle, trouva un résultat pas tellement éloigné des mesures les plus récentes. Un correspondant canadien m’a communiqué un tableau des mesures de G au cours du temps ; je ne donnerai que la première et les deux dernières valeurs :

1798 Cavendish 6,754
1977 Sagitov 6,674
1982 Luther 6,6726

Remarquons que nos expérimentateurs modernes donnent quatre décimales, mais ne sont pas d’accord sur la troisième !

Ce nombre est à faire suivre du facteur 10 puissance –11 en MKS.

Mesure des masses

Une fois connue G, nous pouvons aborder la mesure des masses des objets célestes. Deux méthodes s’offrent à nous.

Première méthode : Mesure de la pesanteur.

Cette méthode ne peut s’appliquer que si l’on se trouve sur la surface de l’astre ; elle est donc réservée, pour le moment, à la Terre et, pour les astronautes des missions Apollo, à la Lune.

L’accélération de la pesanteur peut se déduire de l’étude de la chute des corps, mais avec une précision beaucoup plus grande par l’étude d’un pendule.

Soit g l’accélération de la pesanteur. Le pendule simple oscille, pour ses petites oscillations, avec une période T = 2*pi* racine carrée de L / g , L étant la longueur du pendule.

Le pendule simple étant un appareil irréalisable en pratique (masse concentrée en un point, lien sans masse, etc..) on utilise un appareil qui obéit à la même loi : le pendule réversible. On peut alors connaître L avec précision ; la mesure de T donne alors g .

Connaissant g, le calcul de la masse de la Terre est facile si on l’assimile à une sphère parfaite, formée de couches concentriques homogènes (pour que le centre de gravité coïncide avec le centre géométrique) et si l’on connaît son rayon.

La loi de Newton nous conduit à : M = g * R^2 / G

Admettons pour le rayon 6366 km (40 000 divisé par 2 pi) et pour g la valeur 9,81 en MKS apprise à l’école ; cela nous donne :

Si nous considérons le kilogramme comme une unité à part entière (base du système MKSA ) nous pouvons écrire : 5,95 yottakilogrammes.

Autrement dit : 5,95 millions de milliards de milliards de kilogrammes.

Malgré nos hypothèses simplificatrices et le peu de précision sur g , nous ne sommes pas très loin de la valeur " officielle " : 5,9742 * 10^24 kilogrammes.

Deuxième méthode : Etude des satellites

Je prends " satellite " au sens large : tout corps céleste décrivant une orbite autour d’un autre corps : la Terre autour du Soleil, la Lune autour de la Terre, Titan autour de Saturne, ou nos satellites artificiels autour de notre globe.

Pour que le calcul reste accessible à mon niveau mathématique, il faut que le système satisfasse à deux conditions : l’orbite doit pouvoir être considérée comme circulaire et la masse du " satellite " comme négligeable devant celle de l’astre autour duquel il tourne (la masse du satellite n’intervient pas dans la mesure, mais, si elle est importante, on ne peut plus confondre le centre de gravité du système avec le centre de l’astre " pivot " et le calcul s’en trouve compliqué).

La mécanique élémentaire nous dit que, pour faire tourner un corps de masse m en un cercle de rayon R à une vitesse angulaire oméga, il faut qu’il subisse une force centripète égale à m * R * oméga^2, autrement dit qu’il soit soumis à une accélération centripète égale à R * oméga^2.

Dans le cas d’un " satellite ", cette accélération n’est autre que l’attraction newtonienne exercée par l‘astre " pivot " de masse M.

Nous avons vu plus haut que cette accélération, à la distance R du centre de la masse M était  égale à M * G / :R^2.

Ce qui conduit à M = R^3 * oméga^2  / G.

Essayons maintenant de calculer la masse du Soleil.

Rayon de l’orbite terrestre, supposée circulaire : 150 Gm, soit 1,5 * 10^11 m.

Vitesse angulaire : 1 tour en 1 an, soit 2 * pi radians en 8766 heures, donc en 31. 557. 600 secondes, donc 1,990 * 10^-7 radians par seconde.

Constante gavitationnelle : 6,673 * 10^-11.

Le calcul nous donne : 2,002 * 10^30 kg ; nous sommes un peu au-dessus de la valeur " officielle " : 1,989 * 10^30 kg, mais ce n’est pas si mal pour un calcul approché.

( Alain Pujol m’a fait remarquer qu’on manque de préfixes au-delà de 10^24 ( yotta ). Il propose de continuer à remonter l’alphabet, ce qui donnerait, par exemple :
10^27 : xitta
10^30 : wetta
10^33 : votta
10^36 : uatta
Avec cette notation, le Soleil aurait une masse de 2 wettakilogrammes, ou, si l’on préfère, de 2 vottagrammes. Nous soumettons respectueusement cette suggestion aux instances scientifiques internationales, mais il est peu probable que ces lignes tombent un jour sous leurs yeux ! )

Cette méthode " des satellites " s’applique à tous les astres autour desquels tournent d’autres corps : d’abord, toutes les planètes du système solaire à partir de la Terre, toutes munies de satellites plus ou moins nombreux, puis les étoiles possédant un compagnon, cas relativement fréquent.

Pour Vénus, qui n’a pas de satellite naturel, la masse a dû être mesurée avec précision lorsqu’on a envoyé des sondes spatiales tourner autour d’elle.

Je ne sais pas s’il en a été de même avec Mercure, ou si sa masse a été mesurée par les perturbations de sa trajectoire sous l’influence de Vénus ; ce genre de mesure est possible en raison de l’extrême précision avec laquelle on détermine les paramètres orbitaux des objets du Système Solaire.

 

Masse, rayon, densité des principaux objets du Système Solaire

J’ai ajouté la durée de rotation sur lui-même de chacun de ces corps ( cela n’a pas de rapport avec la masse, mais cela présente un certain intérêt ) et j’ai inclus la Lune, qui présente pour nous une grande importance.

Objet

Masse

(en masses terrestres)

Rayon (kilomètres)

Densité

(par rapport à l’eau)

Durée de rotation
Soleil 328 000 696 000 1,41 25 jours *
Mercure 0,05 2425 5,4 58,6 jours
Vénus 0,82 6070 5,1 243 jours
La Terre 1,00 6378 5,52 23 h 56 m 4 s °
La Lune 0,0123 1378 3,3 27,32 jours °°
Mars 0,12 3395 3,97 24 h 37 m 22 s
Jupiter 317,80 71 600 1,33 9 h 50 min
Saturne 95,2 60 000 0,68 10 h 14 min
Uranus 14,5 25 900 1,60 10 h 49 min
Neptune 17,2 24 750 2,25 18 h
Pluton 0,01 ? 1500 1,5 6,39 jours

*à l’équateur, moins rapide (35 jours) vers les pôles, le Soleil n’étant pas un globe solide.

° il s’agit du jour sidéral, temps séparant deux passages au méridien d’une même étoile ; le jour de 24 heures est le jour solaire moyen, légèrement plus grand à cause du déplacement de la Terre sur son orbite entre deux passages du Soleil au méridien.

°° cette durée est évidemment égale au " mois lunaire " : pour nous montrer toujours la même face, la Lune doit tourner sur elle-même dans le même temps qu’elle met à faire un tour complet autour de la Terre.

 

 

Masses des Etoiles

Si l’on peut observer un système d’étoile double avec assez de précision pour avoir une bonne estimation de la distance des deux composantes du système et de leur période de rotation autour de leur centre de gravité commun, il est possible d’en déduire les deux masses par un calcul analogue à celui indiqué plus haut dans " Etude des Satellites ", et basé sur une généralisation des lois de Képler.

Si nous désignons par m1 et m2 les masses des deux composantes, exprimées en masses solaires, par P la période de leur rotation en années, par a le demi grand axe de l’orbite en secondes d’arc et par p la parallaxe du système en secondes d’arc (se reporter au besoin à " Distances astronomiques "), la troisième loi de Képler conduit à : (m1 + m2) = a^3 / P^2 * p^3.

Les systèmes d’étoiles doubles sont nombreux (on en connaît plus de 64 000), mais ceux pour lesquels on peut mesurer les trois paramètres le sont beaucoup moins. Ils sont extrêmement précieux, car c’est la seule méthode permettant une mesure directe de la masse des étoiles.

Grâce à ces mesures, les astronomes ont pu établir une correspondance assez étroite entre la masse, la luminosité et la température de couleur des étoiles, ce qui permet d’estimer la masse des astres qui ne sont pas accessibles à la mesure directe.

Les masses stellaires peuvent varier entre un vingtième de la masse du Soleil et 70 fois cette masse. Notre Soleil est une étoile plutôt petite, ce qui lui assure une bonne longévité. Son âge est de 4,5 milliards d’années et il semble avoir devant lui un avenir du même ordre et il doit finir sa vie sans explosion. Plus les étoiles sont grosses, moins elles vivent vieilles, et au-dessus d’un certain nombre de masses solaires, elles connaissent une fin explosive, projetant dans l’espace les éléments lourds engendrés au cours de cette phase ultime.


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