Lorsque la chimie émergea comme science du foisonnement didées plus ou moins fausses qui lavait précédée, les savants constatèrent que les corps se combinaient dans des proportions définies. De la comparaison dun grand nombre de réactions mettant en jeu des corps simples différents, ils en vinrent à attribuer aux divers éléments des masses caractéristiques telles que toutes les réactions connues puissent se décrire par des multiples entiers de ces masses caractéristiques. Ainsi naquit la notion de " masse atomique " (on disait alors plus volontiers " poids atomique "). Il est à remarquer que ce terme fut créé à un moment où lon navait pas idée de la constitution de la matière.
Cette notion fut extraordinairement féconde. En attachant au symbole dun élément une masse définie, elle permit à la formule dun corps composé dexprimer sa composition, non seulement qualitative, mais aussi quantitative.
Il fut naturel de prendre pour unité la masse du plus léger des éléments, lhydrogène. Sa masse atomique étant 1, celle de loxygène fut 16, celle de lazote 14, celle du carbone 12, celle du soufre 32 etc
Pour les corps composés, on définit une " molécule-gramme " ou mole, quantité représentée par la formule : par exemple, la mole deau, de formule H2O, combinant 2 atome-gramme dhydrogène à 1 atome-gramme doxygène pèse : 1+1+16 = 18 grammes. La mole de di-oxyde de carbone CO2 pèse 44 grammes, celle dacide sulfurique SO4H2 pèse 98 grammes, etc
Lorsque lhypothèse atomique, au sens moderne du terme, simposa en physique et en chimie, il devint évident que le système des moles, qui fonctionnait parfaitement, était la traduction macroscopique de ce qui se passait en réalité au niveau des atomes.
Avogadro (on lui associe parfois Ampère) pensa que chaque mole devait contenir le même nombre de molécules réelles, les différences de masse entre les moles de différents corps provenant des différences de masse des molécules réelles.
Je ne puis vous dire comment fut déterminé le nombre dAvogadro ; je sais que plusieurs méthodes différentes, dont une faisant intervenir la couleur bleue du ciel, donnèrent des résultats suffisamment concordants.
Actuellement, les mesures de masse des protons, des neutrons et des électrons qui constituent tous les atomes, et donc toutes les molécules, permettent une mesure du Nombre dAvogadro moins poétique, mais plus précise, que le bleu du ciel.
Ce nombre, habituellement dénommé N, est très grand : environ 6,02 x 10^23 .
Donc une mole, soit 18 grammes deau contiennent 6,02 x 10^23 molécules.
Une goutte faisant environ un vingtième de gramme contient :
( 6,02/ 3,6) x 10^21 molécules soit environ 1700 milliards de milliards de molécules
Le corps humain contient environ 75% d'eau ; un adulte contient au moins 40 kg d'eau. Donc 40 000 / 18 = 2200 moles d'eau, donc : 2200 x 6 10^23 molécules d'eau, soit 132 x 10^25, soit 132 millions de milliards de milliards de molécules d'eau, chacune composée de 3 atomes ! rien que pour l'eau !
Ces nombres ne disent plus rien à notre imagination.
Je me rappelle avoir un jour écuré mes collaborateurs qui venaient de terminer un " pompage " bien réussi ; la pression dans la lampe expérimentale que nous étudiions était descendue au-dessous du millionième de millimètre de mercure, soit, en gros, un milliardième de la pression atmosphérique, un vide déjà poussé.
Bien entendu, de telles pressions ne se mesurent pas avec un manomètre à mercure, ni même à la jauge de Mac Leod ; on recourt à des phénomènes dionisation des molécules résiduelles.
Une mole dun gaz quelconque, à la température et à la pression ordinaires, occupe un volume de 22,4 litres.
Donc, pour 1 litre de gaz (air par exemple, qui est un mélange, mais cela ne change rien) : 6,02 x 10^23 / 22,4 = 2,7 x 10^22 molécules.
Si nous avons abaissé la pression environ au milliardième de la pression atmosphérique, il reste encore 2,7 x 10^13 molécules par litre.
Comme notre lampe fait environ un dixième de litre, il y a encore 2,7 x 10^12 molécules ( 2700 milliards de molécules ) qui se promènent dedans !
De quoi décourager les techniciens du vide.