Les Alternateurs Haute-Fréquence

 

     Dès 1914, on pensa à des liaisons radiotélégraphiques à longue distance.
     Plus que la distance elle-même, ce fut la sphéricité de la Terre qui fit obstacle. Pour le surmonter, la voie qui parut alors la seule possible fut d'exploiter la diffraction des ondes hertziennes.
     Ce phénomène est commun à toutes les ondes : un écran porte une " ombre " d'autant plus nette que la longueur d'onde de la radiation est plus petite.
     D'où un intérêt pour les très grandes longueurs d'onde. Alors que les stations courantes utilisaient des ondes de mille à trois mille mètres, on construisit des stations travaillant sur des ondes nettement plus longues.
     Par exemple, en restant en France et par ordre de longueur d'onde : Nantes : 9 000 m. Lyon La Doua : 15 000 m. Sainte-Assise : 20 000 m. Bordeaux La Croix d'Hins : 23 000 m.
     Ces très grandes longueurs d'onde imposaient d'immenses systèmes d'antennes. Mais, si grandes soient-elles, ces antennes restaient petites devant la longueur d'onde et leur résistance de rayonnement était petite devant les pertes, malgré l'installation de prises de terre fort étendues… et fort onéreuses.
     D'où la nécessité de les alimenter par des émetteurs de forte puissance.
     Dans ce but, on aurait pu ( et c'est ce que l'on a fait au début, du moins pour les stations les plus anciennes ) utiliser des émetteurs à étincelles. Mais les ondes amorties qu'ils engendraient commençaient à montrer leur grave inconvénient : un spectre hertzien très étendu, peu compatible avec l'extrême étroitesse de l'espace hertzien dans le domaine des très grandes longueurs d'onde.
     Les ondes entretenues s'imposaient donc. D'autant que leur inconvénient de ne pas être audibles dans un poste à galène venait de disparaître par la diffusion des lampes triodes permettant, par les systèmes hétérodynes ou autodynes, de les rendre audibles tout en améliorant leur détection.
     Les ondes entretenues pouvaient être engendrées par des lampes ou par des arcs Poulsen.
On ne disposait pas, à l'époque, de lampes capables de produire des puissances approchant celles qu'on désirait atteindre.
     Les arcs présentaient deux inconvénients : ils ne donnaient que des ondes pseudo-entretenues (d'où les souffles que j'avais entendus à San Salvadour ), à spectre inutilement large et comme il était impossible d'éteindre et de rallume l'arc au rythme des signaux Morse, leur manipulation ne pouvait se faire qu'en modifiant la fréquence d'émission en court-circuitant ou décourt-circutant une partie de la self oscillatrice ; littéralement un Frequency Shift Keying, mais avec un shift considérable. L'onde de contre-manipulation était vraiment indésirable dans le domaine très étroit de très grandes longueurs d'onde.

     Les fréquences à engendrer ( 13 à 33 KHz ) étaient beaucoup plus élevées que celles ( 50 ou 60 Hz ) que produisaient les alternateurs alimentant les réseaux de distribution en courant alternatif qui commençait à se répandre et bientôt se généralisa.
Mais le rapport n'était pas tel que quelques ingénieurs n'envisagent d'engendrer ces fréquences par des alternateurs.
     Il n'était, bien entendu, pas question de faire tourner de 200 à 600 fois plus vite les alternateurs classiques : leur rotor aurait explosé bien avant !
     Il fallait donc concevoir des machines appropriées et certains ingénieurs s'attelèrent à la tâche. Les noms les plus connus sont Alexanderson en Amérique et Béthenod et Latour en France.
     La vitesse de rotation étant limitée, il fallut jouer sur le nombre de pièces polaires du rotor et du stator.
     Deux exemples numériques :
     L'alternateur Alexanderson de la station suédoise de Grimeton tournait à 2115 tours par minute, soit 35,25 tours par seconde ; son rotor portait 488 dents. La fréquence engendrée était : 35,25 x 488 = 17 202 Hz ; la longueur d'onde correspondante était de 17 440 m.
     L'alternateur Latour-Béthenod de la station française de Lyon-La Doua
tournait à 3000 tours par minute, soit 50 tours par seconde ; son rotor portait 400 dents. La fréquence engendrée était : 50 x 400 = 20 000 Hz ; la longueur d'onde était de 15 000 m. Cet alternateur a tourné 125 000 heures entre 1919 et 1944.
     Ces données numériques proviennent :
     Pour l'Alexanderson, de l'article paru dans Radio-REF No 748 ( octobre 2002 ) " Le dernier alternateur haute fréquence Alexanderson " de DL6ARC, traduit par F6BWO. Cet article décrit la station suédoise de Grimeton, inutilisée mais toujours en état de marche.
     Pour le Latour-Béthenod, des sites Internet très riches de Pierre Dessapt et de Pascal Siméon.
     Ce dernier édite des textes très intéressants de son père Michel et notamment, en ce qui concerne notre sujet : " La Radio à Lyon ", où l'on trouve l'histoire de la station radiotélégraphique de Lyon-La Doua ( et l'histoire de la création de la lampe TM dans les usines Fotos Grammont. )
     http://pascalsimeon.free.fr/radioly.htm

     Pierre Dessapt a édité un site très général " Raconte-moi la Radio " :                               http://perso.club-internet.fr/dspt/index.htm
Dans la rubrique " Historique " de ce site, on trouve de nombreux liens et notamment un lien "Alternateurs". On peut aussi accéder directement à cette page : " Les Alternateurs Haute Fréquence "
     http://perso.club-internet.fr/dspt/alternateurhf.htm
     Le site général contient aussi une page " Sainte-Assise " et une page " Lyon-La Doua " ( reprise de Michel Siméon ). Ces pages, accessibles directement, parlent beaucoup d'alternateurs HF.

     Je n'ai trouvé nulle part de renseignements sur la manière dont se faisait la manipulation de ces puissances considérables. L'article de Radio-REF mentionne que l'émetteur de Grimeton était manipulé à partir du bureau de poste de Göteborg par une ligne filaire, mais ne dit rien sur la méthode de manipulation.
     En agissant sur le courant d'excitation de l'inducteur, on a affaire à une puissance moins importante ; mais il se peut que la self de l'enroulement inducteur s'oppose à une manipulation à la cadence des signaux Morse.

     Les émetteurs à ondes très longues ont été également utilisés pour transmettre des ordres à des sous-marins en plongée ; en effet, ces ondes très longues pénètrent un peu dans l'eau, même salée.Pendant l'occupation, les Allemands ont utilisé dans ce but l'émetteur de Lyon-La Doua.      Dans un passé relativement proche, les Américains ont même utilisé ( et utilisent peut-être toujours ), pour atteindre leurs sous-marins nucléaires en plongée, la fréquence de 6 KHz ( dans la bande des fréquences audibles ! ). La longueur d'onde correspondante est de 50 Km ; l'antenne d'émission était tendue entre trois pics montagneux. Il est très probable que l'antenne était alimentée par un ou plusieurs alternateurs …qu'on ne peut plus guère qualifier de Haute Fréquence !

     Malgré leur grande fiabilité, les ondes très longues ont été abandonnées pour les liaisons transcontinentales parce que leur espace hertzien très étroit ne permettait pas d'écouler un trafic de plus en plus important.
     Les amateurs ayant montré dès 1923 que les ondes " courtes " permettaient, par des rebonds entre les couches ionisées de l'atmosphère et la surface du globe, des liaisons à très longue distance avec des puissances très faibles, on utilisa donc les ondes courtes, malgré tous leurs inconvénients ( effet jour-nuit, fading, influence du vent solaire, etc… ).
     De nos jours, les satellites artificiels apportent une solution efficace.

 

 

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