Les Ondes Hertziennes

C’est le rayonnement électromagnétique le plus simple, car, nous l’avons dit plus haut, on peut négliger l’aspect " corpusculaire " (photons) : leur énergie individuelle est tellement faible qu’aucun effet de discontinuité n’est perceptible.

Un peu d’histoire

Comme tous les autres rayonnements EM, les ondes hertziennes existent depuis l’origine de l’Univers, mais il n’y a pas beaucoup plus d’un siècle que l’homme a soupçonné leur existence, puis a appris à les produire et à les utiliser.

J’ai signalé, dans le premier article de cette série, que c’est une remarque de Maxwell sur la dimension et la valeur du rapport des deux quantités d’électricité (CGS électromagnétique et CGS électrostatique) qui avait conduit ce savant anglais à la théorie électromagnétique de la lumière, formulée dans les célèbres " équations de Maxwell " (1875 environ).

Cette théorie mathématique était extrêmement générale et rien ne la confinait au seul domaine de la lumière.

En 1888, un chercheur allemand de 31 ans, Heinrich Rudolf Hertz, imagine et réalise une série d’expériences pour engendrer des oscillations électromagnétiques et manifester leur propagation à distance. A courte distance, il est vrai, quelques mètres, car son " résonateur " qui sert de récepteur est très peu sensible. Et c’est tant mieux, car il peut vérifier que ses ondes se comportent comme la lumière : elles se réfléchissent sur des plaques métalliques ; on peur les focaliser avec des miroirs métalliques concaves ; on peut les dévier avec un prisme en paraffine ; elles forment un système d’ondes stationnaires devant un miroir plan ; etc… à condition que les miroirs et les prismes soient suffisamment grands, car les longueurs d’onde sont beaucoup plus grandes que celles de la lumière.

Si Hertz avait disposé d’un détecteur sensible, il aurait trouvé ses ondes partout, et pas seulement dans les faisceaux réfléchis ou réfractés ; de même, si son dispositif avait engendré des ondes kilométriques ou même décamétriques, il n’aurait pas pu montrer leur analogie avec la lumière. D’après les dessins de l’époque, il me semble que les dimensions de l’éclateur correspondent à des ondes métriques ou décimétriques, ce qui permettait des expériences dans une salle de laboratoire.

Les expériences de Hertz furent répétées dans divers laboratoires, notamment par Lodge en Angleterre .L’existence des ondes hertziennes fut admise et la théorie de Maxwell confirmée. Mais il n’était pas question d’une quelconque application pratique, faute d’un récepteur suffisamment sensible.

Un professeur français, Edouard Branly, faisait à cette époque des recherches sur la variation de résistance électrique de lames minces sous l’action de la lumière. Pour éclairer ses échantillons, il utilisait une lampe à arc (la source lumineuse électrique la plus répandue en ce temps-là).

Un jour, il constata que la résistance de l’échantillon diminuait lors de l’allumage de la lampe à arc, alors même que le faisceau lumineux n’était pas dirigé sur l’échantillon. Il répéta l’expérience et constata un effet qui n’était pas dû à la lumière et donc " polluait " ses mesures.

Branly se demanda s’il n’y avait pas là quelque chose en rapport avec les expériences de Hertz, qui venaient d’être publiées, et il se mit sur cette piste. Ses recherches dans cette direction le conduisirent à la réalisation du radioconducteur appelé aussi cohéreur (terme que Branly n’aimait pas), qui fut le premier détecteur des ondes hertziennes suffisamment sensible pour que l’on pense à la Télégraphie sans Fil. La communication initiale de Branly est datée de novembre 1890.
(Nous avons ici une illustration claire de deux démarches opposées et complémentaires qui font progresser la science : Hertz imagine un ensemble d'expériences pour vérifier une théorie ; Branly observe un phénomène non prévu, sait l'interpréter et entirer une application. N'oublions pas le théoricien, qui intervient parfois en amont, comme ici, mais assez souvent en aval pour expliquer des phénomènes que les théories précédentes ne penvent élucider: Planck et les quanta pour expliquer les lois du rayonnement étabies par Kirchhoff ou Einstein et la relativité après l'expérience de Michelson.)

Je ne vais pas détailler la passionnante histoire des débuts de l’utilisation par l’homme des ondes hertziennes ; je vais donner seulement quelques noms et quelques dates.

Le russe Popoff, en 1895, obtient une grande augmentation de portée en munissant l’émetteur et le récepteur d’une antenne ; il imagine aussi un système décohéreur automatique, ramenant le radioconducteur de Branly à son état initial entre les trains d’ondes. Dès lors, tout ce qui est nécessaire pour des essais de télégraphie sans fil est réuni.

Le français Ducretet, qui est d’ailleurs en liaison avec Popoff, réalise en 1897 une transmission télégraphique sur 400 m d’abord, puis sur 4 km.

En 1898, c’est la transmission entre la Tour Eiffel et le Panthéon.

Un jeune italien, Marconi, passionné par ces expériences, les répète, rassemble tout ce que les scientifiques ont trouvé et le met en pratique. Comme il est ambitieux et qu’il a flairé un des premiers l’importance que cela pourra prendre dans l’avenir, il fonce sur cette piste et, en 1899, il réalise la première liaison à travers la Manche, ayant compris que ce serait plus symbolique que la même distance entre deux collines ! Marconi sera un homme d’affaires redoutable et sa compagnie mènera la vie dure aux autres sociétés oeuvrant dans ce domaine et sera constamment en procès avec elles.

Comme on remarque vite que plus les antennes sont élevées, plus elles sont efficaces, Gustave Eiffel voit là un moyen de sauver peut-être sa Tour ; nombreuses voix s’élèvent en effet pour demander que l’on démonte " cette horreur qui défigure Paris ". A ses frais, il y installe une station de TSF.

Celui qui sera le Général Ferrié, mais n’a pas encore ce grade, comprend vite l’importance que pourrait avoir ce mode de communication en cas de conflit. Il approuve l’initiative d’Eiffel et obtient même qu’on lui alloue des crédits pour accroître la puissance de la station. Ainsi naquit la première station officielle française, dont l’indicatif fut, naturellement, FL et la Tour fut sauvée.

A l’époque, l’émission se faisait en ondes amorties, par un éclateur à étincelles, " rares " dans un premier temps, puis bientôt " musicales " (600 par seconde pour FL). Cette station à étincelles était encore en service en 1921 : c’est elle que j’entendais, à 60 km de Paris, sur mon premier récepteur de TSF, composé en tout et pour tout d’un détecteur à galène, d’une antenne, d’une terre et d’un écouteur. Mais revenons au tout début.

Les scientifiques, quelques militaires et des marins s’intéressent à cette nouvelle technique, mais elle n’a pas encore touché le grand public.

Pour que celui-ci prenne conscience de l’importance de ce nouveau moyen de communication, il va falloir un drame dont l’évocation est encore capable de rassembler les foules autour d’un nom mythique : le naufrage du Titanic.

Il fut évident que sans la TSF, le Carpathia ne se serait pas dérouté et que la plupart des rescapés ayant eu la chance d’embarquer dans les trop peu nombreux canots de sauvetage n’auraient pas profité longtemps de cette chance. Cela se passait en avril 1912.

La TSF avait progressé depuis ses débuts ; certes, les émetteurs étaient toujours à étincelles, pouvant facilement atteindre de grandes puissances, mais ne donnaient que des " ondes amorties " ne permettant que la télégraphie, et encore seulement sous sa forme la plus rustique, mais la plus fiable en cas de mauvaises conditions : le Morse. Côté réception, le radioconducteur de Branly avait été délaissé au profit d’autres détecteurs plus fiables et d’emploi plus simple : le détecteur magnétique de Marconi, le détecteur électrolytique du Général Ferrié et le détecteur à cristaux (galène, pyrite, etc…) dont j’ignore l’inventeur. Avec ces détecteurs, la réception du Morse se faisait " au son ", avec un écouteur de téléphone. Mais il n’était pas question de téléphonie, bien que l’on y songeat….

Pour transmettre la voix, il fallait disposer d’ondes " entretenues " et pouvoir les moduler (nous y reviendrons). L’arc de Poulsen permettait bien d’engendrer des ondes quasi-entretenues, mais, comme on ne disposait alors d’aucun système amplificateur, on ne pouvait moduler le courant haute fréquence qu’en lui faisant traverser un microphone à charbon ou à liquide, ce qui limitait la puissance à quelques watts, assurant des portées ridiculement courtes, en raison de la faible sensibilité des détecteurs de l’époque.

La lampe à trois électrodes avait été inventée en 1907 par Lee de Forest, mais elle était restée dans les laboratoires. Elle en sortit en 1914, on devine sous quelle pression…

En France, le Général Ferrié fit réaliser par les usines Fotos, de Lyon, qui fabriquaient des ampoules d’éclairage, une série de lampes triodes à filament de tungstène pur : ainsi naquit la lampe TM (télégraphie militaire), qui fut disponible pour les civils après la guerre et régna sans partage jusqu’à l’apparition de lampes à faible consommation, vers 1925.

Bien entendu, les autres pays industrialisés en firent autant, chacun avec sa série nationale.

On disposait enfin d’un amplificateur fonctionnant aussi bien aux fréquences hertziennes qu’aux fréquences vocales. Un amplificateur se transforme aisément en oscillateur (se reporter, si l’on veut, à l’article " oscillateurs ") ; il fut donc facile d’obtenir des fréquences hertziennes et de les moduler par les fréquences vocales.

Des lampes plus grosses furent réalisées pour l’émission, permettant d’obtenir des puissances importantes en ondes entretenues modulées.

Côté réception, la possibilité d’amplifier les signaux tant avant la détection (ampli HF) qu’après celle-ci (ampli BF) augmenta prodigieusement la sensibilité des récepteurs.

A la fin de la guerre (celle de 14-18) tous les systèmes essentiels utilisés dans les liaisons hertziennes avaient été inventés et contenaient en germe les développements actuels de l’électronique.

Génération des Ondes Hertziennes

Les ondes hertziennes prennent naissance toutes les fois qu’un groupe d’électrons subit une accélération, c’est à dire toutes les fois qu’on établit, qu’on interrompt ou qu’on fait varier un courant électrique : c’est pourquoi elles existent depuis toujours. On s’en aperçoit bien si l’on essaie de suivre une émission de radio alors que le temps est orageux : des craquements désagréables accompagnent chaque éclair, même lointain ; ils sont synchrones des éclairs, le tonnerre arrive plus tard.

Une décharge brutale, comme la foudre, couvre un spectre hertzien très étendu.

Les premières émissions de TSF, en ondes amorties, engendrées par décharge oscillante d’un condensateur par une étincelle, directement inspirées des expériences de Hertz, couvraient aussi un spectre disproportionné avec le faible débit d’informations (uniquement du Morse) qu’elles pouvaient véhiculer. Cela n’avait pas grande importance, à l’époque, les stations étaient peu nombreuses.

Les lampes permirent de produire des ondes entretenues ; une telle onde, si l’on a pris quelques mesures d’élimination d’éventuels harmoniques, n’occupe, dans le spectre hertzien, qu’une " raie " (par analogie au spectre lumineux) extrêmement étroite ; mais alors elle ne véhicule aucune information autre que sa présence. Remarquons qu’une émission continue de trains d’ondes amorties ne véhiculait pas davantage d’informations significatives tout en occupant un espace hertzien étendu.

Pour transmettre de l’information au moyen d’un rayonnement, hertzien ou lumineux, il faut le moduler ; nous en parlerons un peu plus loin, mais voyons d’abord comment engendrer une onde entretenue.

Il suffit de réaliser un oscillateur à la fréquence désirée et de le coupler à un système rayonnant, généralement une antenne.

L’oscillateur se compose, nous l’avons vu précédemment (article " Oscillateurs… "), d’un dispositif amplificateur (lampe ou transistor) et d’un système oscillant (self et capacité ou quartz).

En pratique actuelle, on intercale presque toujours entre l’oscillateur et le système rayonnant un ou plusieurs étages d’amplification, la stabilité de la fréquence étant meilleure pour un oscillateur de faible puissance. Mais ce n’était pas le cas au début, notamment chez les amateurs.

Modulation

La forme la plus primitive et brutale de modulation est d’interrompre et de rétablir l’émission de l’onde : on peut ainsi transmettre des signaux, par exemple en alphabet Morse. On a coutume, en parlant de ce dernier, de dire qu’il se compose de 2 signaux de durée différente : les " points " et les " traits " ; on oublie qu’il comporte aussi des silences de durée différente : entre les éléments d’une même lettre, entre les lettres d’un même mot, entre les mots d’une phrase.

Les amateurs qui trafiquent en télégraphie Morse disent, dans leur jargon, qu’ils trafiquent en CW, abréviation de " constant waves " ; ce terme est totalement impropre : si l’onde était constante, elle ne véhiculerait aucune information.

Cette " modulation " élémentaire est très facile à obtenir : il suffit d’un interrupteur (manipulateur) inséré en un point vital (par exemple l’alimentation) de l’oscillateur ou, mieux, de l’amplificateur s’il existe. Mais l’établissement et la disparition très rapides de l’onde font que le spectre hertzien occupé est beaucoup plus grand qu’il ne serait nécessaire pour transmettre l’information ; pour travailler proprement en Morse, il faut, à l’aide de contantes de temps convenables, faire en sorte que la montée et la descente des signaux soient aussi ralenties que possible, compte tenue de la cadence désirée.

Une onde sinusoïdale pure se caractérise par sa fréquence, son amplitude et sa phase. Nous disposons donc de trois paramètres que nous pouvons modifier pour transmettre l’information. Nous commencerons par la modulation qui fut historiquement la première utilisée et demeure encore très employée.

Modulation d’amplitude.

La transmission Morse évoquée plus haut n’est autre qu’une forme extrême de la modulation d’amplitude ; mais si, sans agir aussi brutalement, nous faisons varier l’amplitude d’une onde entretenue au rythme d’un signal de fréquence plus basse, par exemple un signal audio, l’enveloppe de cette onde reproduira ce signal, et pour le récupérer à la réception, il suffira de " redresser " le courant induit par l’onde dans l’antenne de réception pour récupérer le signal modulant, qui aura ainsi voyagé sur son " onde porteuse ". La réception de la modulation d’amplitude est donc très simple et c’est un grand avantage de ce mode.

Voyons un peu plus précisément comment tout cela se passe.

Pour commencer simplement, considérons le cas où le signal à transmettre serait une fréquence pure f , la fréquence porteuse étant F .

A l’aide d’un des nombreux dispositifs imaginés dans ce but, nous allons faire varier l’amplitude de F selon une loi sinusoïdale à la fréquence f .

Le spectre hertzien de l’onde ainsi modulée comporte 3 raies : une raie à la fréquence F (onde porteuse) et 2 raies latérales ; l’une à F – f, l’autre à F + f .

Si, au lieu d’une fréquence pure, on veut transmettre un signal complexe occupant une certaine bande de fréquence, par exemple la bande 300 – 3000 hertz pour une conversation téléphonique, le spectre hertzien comprendra la fréquence centrale F et deux bandes latérales, s’étendant de F – 3000 Hz à F – 300 Hz pour la bande inférieure et de F + 300 Hz à F + 3000 Hz pour la bande supérieure

(j’ai pris un exemple chiffré, plus parlant que la formule générale).

A la réception, lors du passage dans un dispositif non linéaire (détection) c’est le battement entre la fréquence porteuse et les fréquences ou bandes latérales qui permettra de récupérer le signal que l’on désirait transmettre.

Les stations de "  broadcasting " (radiodiffusion) sur grandes ondes, ondes moyennes et ondes courtes fonctionnent sur ce mode (AM, Amplitude Modulation), en raison de la simplicité de la réception. Son inconvénient est l’encombrement de l’espace hertzien : chaque station occupe une bande totale égale à deux fois la plus haute fréquence du signal à transmettre. En outre, une part importante de la puissance d’émission est consacrée à la porteuse, indispensable, mais ne véhiculant aucune information, servant simplement de " clef " de démodulation.

Toute l’information étant contenue dans chacune des bandes latérales, il est apparu tentant de n’émettre qu’une seule de ces bandes, en supprimant l’autre bande et la porteuse ; ainsi est né le mode d’émission en Bande Latérale Unique (BLU), en anglais Single SideBand (SSB).

Les avantages sont évidents : réduction de l’encombrement hertzien au strict minimum et réduction importante de la puissance nécessaire à l’émission. Mais au prix d’une complication des émetteurs et des récepteurs.

A l’émission, la conservation d’une seule bande latérale demande une circuiterie complexe et l’utilisation de filtres à hautes performances.

A la réception, cette porteuse, indispensable pour la démodulation et que l’on n’a pas transmise, il va falloir la fournir : un petit oscillateur local y pourvoira, mais sa fréquence doit être ajustée avec une grande précision, car tout écart de fréquence par rapport à la porteuse d’origine décale d’autant les fréquences audio du signal récupéré, et l’effet, notamment sur la voix humaine, est fort désagréable.

Malgré ces complications, les émissions en BLU se sont imposées partout où l’on cherche à transmettre une information (au sens courant du terme) sans se soucier beaucoup de la qualité de reproduction : vacations avec les navires en mer et bulletins météo, agence de presse, radio-amateurs.

Modulation de Fréquence

Le but des émissions en modulation de fréquence est opposé, au moins en ce qui concerne les stations de " broadcasting " : on recherche une grande fidélité de transmission, au prix d’un grand encombrement de l’espace hertzien. Un autre avantage est une quasi complète insensibilité aux parasites domestiques et industriels, qui gâchent souvent les réceptions en AM.

Pour émettre en FM, on laisse constante l’amplitude de l’onde émise, mais c’est sa fréquence que l’on fait varier de part et d’autre d’une fréquence centrale, à la fréquence du signal modulant, l’excursion de fréquence par rapport à la fréquence centrale étant proportionnelle à l’amplitude du signal modulant.

Le spectre émis est beaucoup plus complexe et plus étendu qu’en modulation d’amplitude : même si le signal modulant est réduit à une fréquence pure, au lieu des 3 raies de la modulation d’amplitude, on observe un grand nombre de raies (théoriquement, ce nombre est infini), de part et d’autre de la fréquence centrale, espacées de la fréquence modulante, les amplitudes de ces raies étant régies par la suite des fonctions de Bessel de type J appliquées à l’indice de modulation, c’est à dire au quotient de l’excursion de fréquence par la fréquence modulante.

C’est l’indice de modulation qui détermine les amplitudes respectives des diverses raies, qui deviennent négligeables lorsque l’indice de la fonction J dépasse nettement l’indice de modulation ; comme celui-ci est d’autant plus grand que la fréquence à transmettre est plus basse, on voit que les basses engendreront un spectre à nombreuses raies rapprochées, les aigües un spectre à raies moins nombreuses, mais plus éloignées. Dans tous les cas, le spectre est beaucoup plus large qu’en modulation d’amplitude.

On va se demander pourquoi on utilise ce mode de modulation qui exige considérablement plus d’espace hertzien ; il y a deux raisons essentielles.

D’abord, comme on ne s’intéresse qu’à la fréquence de l’onde et pas à son amplitude, on pourra, à la réception, amplifier autant qu’on voudra sans se soucier de linéarité et on fera passer le signal dans un limiteur qui lui donnera une amplitude constante et par là-même éliminera la quasi-totalité des parasites.

Ensuite, la détection de la modulation d’amplitude introduit des distorsions, d’autant plus grandes que la profondeur de modulation est plus grande ; en effet, l’efficacité des redresseurs, quels qu’ils soient, varie avec l’amplitude du signal ; or cette amplitude varie beaucoup lorsque la profondeur de modulation s’approche de 100 %, valeur qu’il est interdit de franchir, mais que les stations émettrices cherchent à " tangenter " lors des fortissimi pour améliorer leur portée.

La détection de la modulation de fréquence se fait à l’aide de dispositifs tels que discriminateurs ou détecteurs de rapport, qui utilisent eux aussi des redresseurs, mais la variation d’amplitude est toujours faible et la distorsion de ce fait insignifiante.

La grande largeur de spectre exigée par ce mode impose qu’on émette sur des fréquences élevées ; la " bande FM " va de 88 à 108 MHz ; ce sont donc des ondes d’environ 3 mètres, dont la portée est réduite, vite limitée par la sphéricité de la Terre et le relief ; ceci permet de loger dans la bande tout un réseau de stations, en prenant soin que les stations géographiquement proches soient suffisamment écartées en fréquence (et réciproquement).

Le plan établi fonctionne de façon satisfaisante lorsque tout le monde respecte les allocations de fréquence et l’excursion maximale autorisée, ce qui n’est pas toujours le cas pour certaines stations privées. De grosses perturbations sont aussi observées en cas de propagation anormalement bonne, due à des conditions atmosphérique formant " guide d’ondes ". Alors, une station éloignée, voire étrangère, se substitue tout à coup à la station que vous êtes en train d’écouter. Les radio-amateurs se précipitent aussitôt à leurs appareils, espérant bénéficier de ce " coup de propag "pour faire quelques contacts lointains.

 

Modulation de phase

Ce troisième paramètre est différent des deux précédents : en effet, si l’amplitude et la fréquence sont signifiantes par elles-mêmes, la phase n’a de sens que par rapport à une référence de phase. Autant la différence de phase entre deux fonctions sinusoïdales de même fréquence est significative, autant la phase d’une onde solitaire est dépourvue de sens. On peut néanmoins transmettre de l’information en faisant varier la phase de l’onde émise, la référence de phase étant la phase de l’onde à l’instant précédent. On obtient ainsi une modulation de fréquence pendant que la phase est en train de changer. Mais cet effet est proportionnel à la vitesse de variation de phase et non à son amplitude ; il en résulte que l’efficacité est d’autant meilleure que la fréquence modulante est plus élevée, avec une pente de 6 dB par octave. Ce mode est rarement utilisé pour transmettre de la parole ou de la musique, mais de petits " sauts de phase " de la porteuse d’une émission en modulation d’amplitude peuvent servir à transmettre une autre information : ainsi France-Inter grandes ondes transmettait, et sans doute transmet toujours des informations digitales et notamment l’heure officielle, la date, etc…

Fréquences et longueurs d’ondes

Rappelons la définition de la longueur d’onde : c’est la distance parcourue par l’onde pendant une période, d’où lambda = v x T.

Dans le cas présent, la vitesse est celle de la lumière, que les scientifiques désignent conventionnellement par c. Et comme la période est l’inverse de la fréquence, on a : lambda = c / f.

Selon les dernières mesures, c = 299 792 km par seconde (dans le vide).

Mais on prend couramment c = 300 000 km (ou 300 Mm) par seconde.

Passons en revue rapidement les bandes de fréquences hertziennes ;les longueurs d’ondes varient évidemment en sens inverse des fréquences.

Partons des fréquences les plus basses.

La plus basse que je connaisse utilisée en télécommunication est… 6 kHz ! En plein dans les fréquences audibles ! Elle a été utilisée, et l’est peut-être toujours, par les américains pour transmettre des ordres à leurs sous-marins nucléaires, seules des fréquences aussi basses pouvant pénétrer assez loin dans l’eau de mer. L’énorme longueur d’onde (50 km) impose des antennes gigantesques, tendues entre des pics montagneux.

Sans aller aussi loin en longueur d’onde, au temps où l’on commençait a utiliser la TSF à des fins commerciales et alors que les amateurs n’avaient pas encore démontré la réflexion des ondes courtes sur les couches ionisées stratosphériques, on pensait contourner la rotondité de la Terre par diffraction et pour cela ce fut la course aux grandes longueurs d’onde. L’émetteur de La Croix d’Hins travaillait sur 22 500 m avec une puissance considérable qui lui permettait de traverser l’Atlantique.

De nos jours, la fréquence " grand public " la plus basse que je connaisse est celle de la station allemande DCF 77, qui, sur 77,5 kHz (3871 m), diffuse l’heure officielle du fuseau horaire où nous sommes.

Vient ensuite la gamme " grandes ondes " ou " ondes longues " (LW), qui s’étend de 150 à 250 kHz environ (2000 à 1200 m) ; elle semble être une spécialité de l’Europe occidentale et ne peut contenir, dans ses 100 kHz, que quelques stations : Allouis (France-Inter), Europe 1, Droitwitch (BBC), Radio Monte-Carlo, Radio Télé Luxembourg. Ces stations sont très puissantes et couvrent l’Europe occidentale.

L’avantage des " ondes longues " est une grande régularité de propagation ; il n’y a pas de " fading " (affaiblissement ou disparition momentanée du signal), pas d’effet " jour-nuit ". Inconvénient : le faible espace hertzien disponible.

Au-dessus, de 250 à 400 kHz environ (1200 à 750 m) se trouve la gamme des radio-phares, ou plutôt des radio-balises utilisées en aide à la navigation maritime et aérienne.

De 440 à 480 kHz se trouve un espace réservé aux " fréquences intermédiaires " utilisées dans les récepteurs à changement de fréquence (donc la quasi-totalité des récepteurs actuels).

Vient ensuite, de 500 à 1500 kHz (600 à 200 m) la gamme " ondes moyennes " (MW), anciennement appelées " petites ondes ", sur laquelle travaillent de nombreuses stations de radiodiffusion. La propagation de ces ondes est bien meilleure de nuit que de jour et, lorsque la distance est assez grande, la réception est souvent affectée de " fading ". Aussi, ces stations ont-elles le plus souvent une destination régionale.

En dessous de 200 m de longueur d’onde s’étend le vaste domaine des " ondes courtes ", qui fut, dans un premier temps, abandonné aux amateurs, jusqu’à ce que ceux-ci montrent que, sur ces fréquences, des stations de faible puissance peuvent porter très loin, voire aux antipodes. On s’empressa, bien entendu, de reprendre aux amateurs la quasi totalité d’un domaine aussi intéressant et on les confina dans quelques bandes bien délimitées.

Les ondes courtes doivent leurs étonnantes propriétés de propagation à des réflexions successives sur les couches ionisées de la haute atmosphère et la surface du globe (notamment les océans). Malgré l’incertitude de cette propagation, qui dépend beaucoup du " vent solaire " (flux de particules émanant du Soleil), ces fréquences ont été très utilisées par des stations commerciales et les agences de presse ; elles sont maintenant quelque peu délaissées dans ces fonctions au profit des liaisons par satellite ; mais elles gardent un rôle essentiel pour la radiodiffusion vers les pays éloignés, pour garder le contact avec d’anciennes colonies ou dans un but de propagande. En effet, un récepteur bon marché et un bout de fil d’antenne permet de les capter à peu prés partout dans le monde. La plupart des nations ont de puissants émetteurs sur ondes courtes, avec des antennes directives, et émettent vers des régions privilégiées selon l’horaire le plus favorable.

Le domaine des ondes courtes s’étend donc de 1,5 à 50 MHz environ. Dans cet espace " décamétrique ", il y a 6 bandes " amateurs " et en outre la Citizen Band (27 MHz, 11 m).

Au-delà, on entre dans le domaine des ondes métriques et des VHF (Very High Frequencies). Les étonnantes propagations des ondes courtes disparaissent et les ondes métriques ont des applications à distance relativement courte. Nous avons vu plus haut la bande FM (88 à 108 MHz, 3.40 à 2.77 m).

De 108 à 136 MHz se trouvent les bandes Aviation : de 108 à 118 MHz, les fréquences sont réservées aux dispositifs de radionavigation (VOR et ILS) ;de 118 à 136 MHz, ce sont les fréquences de communication entre les avions et les tours de contrôle.

Au delà des VHF se trouvent les UHF (Ultra High Frequencies), ondes décimétriques qui véhiculent notamment les programmes de télévision ; j’ai un point de repère : le canal 22 correspond à 479.5 MHz (62 cm).

Au-dessus des UHF se trouvent les SHF (Super High Frequencies) ; je ne sais pas où se situe la frontière officielle entre ces deux domaines ; je ne sais pas non plus si les fréquences utilisées par les téléphones cellulaires sont situées dans le haut des UHF ou dans le bas des SHF.

Une fréquence de ce domaine a de l’importance pour les astronomes : la raie à 21 cm (1.43 GHz) émise par les nuages ténus d’hydrogène dans le cosmos.

Les " micro-ondes " de nos fours du même nom ont une fréquence de 2.45 GHz, choisie parce qu’elle correspond à une bande d’absorption de l’eau liquide.

Du temps où je les côtoyais, les radars (les vrais, pas les cinémomètres des gendarmes) travaillaient sur deux bandes : la bande 10 cm (3 GHz) et la bande 3 cm (10 GHz). A ces fréquences, les câbles coaxiaux ont des pertes trop élevées et il faut recourir aux " guides d’ondes ", tuyaux en cuivre de section rectangulaire ou circulaire de dimension calculée selon la fréquence à transporter. Le technicien radio se double alors d’un plombier !

Les radio-télescopes scrutent les émissions radio des étoile et autres objets, parfois invisibles, sur diverses longueurs d’ondes ; plus elles sont courtes, plus la localisation de l’objet peut être précise.

Enfin, pour terminer cette longue énumération, signalons que le fameux " rayonnement fossile " à 3° K présente son maximum d’énergie vers 1 mm de longueur d’onde.

Réception des ondes hertziennes

Nous ne pouvons pas quitter le domaine hertzien sans dire quelques mots de l’évolution des récepteurs, principalement " grand public ".

Après l’époque héroïque des "  postes à galène ", mais sans toutefois les faire disparaître immédiatement, apparurent les postes à lampes. Après la guerre de 14-18, les lampes TM furent disponibles. Elles exigeaient un chauffage en courant continu (4 V, 0.7 A) que seule une batterie d’accumulateurs pouvait fournir ; d’où la nécessité de recharger cette batterie et toutes les sujétions de son entretien. La tension anodique était fournie par une batterie de piles sèches, onéreuses.

Le récepteur à lampes type de l’époque était le montage C119 : une amplificatrice HF, une détectrice à réaction et deux amplificatrices BF. Les lampes étaient montée sur le dessus du coffret ; les bobinages interchangeables, en " nids d’abeille " étaient disposés sur la face avant, ainsi que les deux condensateurs variables d’accord. Le réglage de l’appareil était délicat et ceux qui se lançaient dans cette aventure étaient assez peu nombreux.

Vers 1925 apparurent les lampes à faible consommation, dix fois moins gourmandes en chauffage, ce qui aida à la diffusion de la TSF, qui restait cependant une activité assez coûteuse et astreignante.

La sensibilité des récepteurs devint vite suffisante pour permettre d’utiliser comme aérien un cadre et non plus une antenne extérieure ; ce qui frappait davantage l’esprit des gens, car l’antenne ressemblait encore au fil du téléphone…

( Dessin de Blandine, 23 ko).

L'apparition des bigrilles et des lampes à écran généralisa les récepteurs à changement de fréquence, plus sélectifs et encore plus sensibles, ce qui permit de réduire les dimensions du cadre.
Mais il fallait toujours des accumulateurs et des piles et les réglages étaient difficiles.

La grande diffusion de la radio eut lieu vers 1930, en même temps que le cinéma parlant, lorsqu’on disposa des lampes " secteur ", à chauffage indirect, qui prirent leur énergie sur le secteur, rendant inutiles les accumulateurs et les piles.

Comme la radio pénétrait dans beaucoup de foyers, il fallut en rendre les réglages plus faciles : les ingénieurs durent donc étudier la " commande unique ", qui nous semble aller de soi, mais posa pas mal de problèmes, surtout en Europe où nous avions une gamme grandes ondes en plus de la gamme " petites ondes ", comme on disait alors.

En même temps apparurent les haut-parleurs électrodynamiques, qui supplantèrent rapidement les anciens appareils magnétiques ; leur qualité de reproduction rendit l’auditeur plus exigeant et l’on commença à s’inquiéter de la fidélité de la reproduction. Et d’abord, comment concilier sélectivité et restitution des fréquences aigües ? La courbe de sélectivité idéale serait rectangulaire, aux flancs aussi abrupts que possible et de largeur deux fois la plus haute fréquence à recevoir ; nous avons vu plus haut que cette largeur avait été fixée à 9 KHz. Mais les circuits résonnants donnent de courbes " en cloche ", loin de la forme idéale.

Heureusement, deux circuits accordés couplés plus que le couplage critique donnent une courbe "  en dos de chameau " ; en combinant cette courbe à deux bosses avec celle d’un circuit unique, on peut se rapprocher de la courbe idéale, à la condition que les surtensions des circuits et leur couplage soient très soigneusement étudiés.

Ce qui milita fortement en faveur des récepteurs à changement de fréquence, car ces conditions pouvaient être réalisées sur la fréquence intermédiaire, fixe, beaucoup plus aisément que sur la fréquence incidente, où il était pratiquement impossible de les maintenir sur toute la gamme.

Du côté des fréquences graves, on se mit à rechercher la puissance nécessaire en créant des lampes finales plus puissantes, soit triodes, soit pentodes et l’on s’efforça de corriger leurs distorsions par la contre-réaction.

Après la seconde guerre mondiale, apparurent les émissions en modulation de fréquence. Ce fut en partie sous l’influence des allemands, à qui on avait interdit toute émission en ondes longues et moyennes et qui concentrèrent leurs efforts sur les UKW (Ultra Kurtz Wellen), sur des fréquences de l’ordre de celles utilisées aujourd’hui par la FM. Les premiers récepteurs FM à lampes exploitaient à fond les possibilités de ce mode : il y avait de nombreux étages d’amplification suivis d’une limitation efficace et d’un discriminateur ; la réjection des parasites était excellente. Comme il y avait peu de stations, on pouvait admettre une largeur de bande importante et la fidélité offrait un contraste saisissant avec le son quelque peu cotonneux des réceptions AM. En contrepartie, ce régal était réservé à ceux qui étaient près d’une des rares stations FM.

La seconde révolution dans la réception radio " grand public " fut l’introduction des transistors. Inventé en 1948, cet amplificateur issu de la physique des solides mit quelques années à se débarrasser de ses défauts de jeunesse.

Ne nécessitant pas de chauffage et pouvant travailler sous des tensions de quelques volts, il révolutionna d’abord le domaine des récepteurs portatifs, au point que ceux-ci furent bientôt (très improprement) appelés " transistors ". Les fabricants de piles, qui avaient vu leur activité réduite par l’apparition des lampes secteur, retrouvèrent le sourire, car le nombre des récepteurs portatifs augmenta considérablement en même temps que leur encombrement diminuait (au détriment de la qualité sonore, car la restitution des fréquences basses demanderait des haut-parleurs de taille convenable) Puis, petit à petit, les transistors supplantèrent les lampes dans toutes leurs applications, à l’exception des puissances très importantes, comme les émetteurs de radiodiffusion. Bien qu’un certain intérêt se manifeste, de nos jours, chez certains mélomanes, pour les bons vieux amplis à lampes…

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